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    Oleg : un film choc sur les travailleurs clandestins

    A l'occasion de la sortie de "Oleg", drame sec et réaliste dans lequel un travailleur clandestin tombe sous l'emprise d'un gangster, AlloCiné a rencontré son réalisateur, Juris Kursietis.

    Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au dernier Festival de Cannes, Oleg suit un jeune homme (Valentin Novopolskij) quittant sa Lettonie natale pour se rendre à Bruxelles, où il espère travailler contre un salaire décent. Mais, trahi par un collègue, son expérience tourne court... Il est alors recueilli par un intimidant gangster polonais et ne tarde pas à tomber sous son emprise. A l’occasion de la sortie de ce drame choc, qui met le doigt sur une réalité qui fait froid dans le dos (les organisations mafieuses qui exploitent les travailleurs clandestins en Europe de l'ouest), rencontre avec son metteur en scène, Juris Kursietis

    Arizona Distribution

    AlloCiné : Comment le projet est né ?

    Juris Kursietis : L'idée du film vient d'une interview datant de 2013 que j'avais lue dans un magazine. Il était question d'un Russe qui se rend en Belgique pour travailler dans une usine et qui vit les mêmes choses que ce que l'on voit dans le film. Deux ans plus tard, je me suis rendu en Belgique, en compagnie de mon directeur de la photographie Bogumil Godfrejow, pour faire des recherches et tenter de trouver des gens ayant vécu ce genre de choses. Avant qu'on s'y rende, tout le monde nous disait qu'on ne trouvera aucune situation de ce genre en Belgique parce que ça n'arrive soi-disant pas dans ce pays. Mais lorsqu'on a visité des usines, nous avons rencontré des travailleurs étrangers qui nous ont raconté que ces histoires sont fréquentes. Ce film est donc une combinaison de l'interview de 2013 et des récits de ces travailleurs que nous avons rencontrés.

    Comment avez-vous choisi l'acteur principal ?

    Mon protagoniste devait parler russe. On a donc cherché en Ukraine et en Russie, j'ai reçu beaucoup de liens YouTube, et lorsque j'ai reçu des vidéos de Valentin Novopolskij, il a tout de suite attiré mon attention parce qu'il possède, dans son apparence, quelque chose de spécial. On a vraiment envie de le regarder, de le suivre et de comprendre ce qui se passe dans sa tête. 

    Pouvez-vous nous en dire plus sur cette mafia polonaise qui exploite des travailleurs étrangers en Belgique ?

    J'ai fait du personnage du gangster (Andrzej) un Polonais parce que, dans l'interview de 2013, les mafieux étaient aussi polonais et je voulais conserver cet élément. La Pologne est une grande nation, de plus 40 millions d’habitants, il est donc logique que ça ait un impact sur l’Europe. De plus, j'avais vu quelques mois avant de commencer le tournage du film un reportage sur la BBC qui montrait qu'en Angleterre, plusieurs gangsters polonais se sont fait arrêter. Il avaient, comme dans le film, plusieurs esclaves sous leurs ordres, eux aussi polonais, qui travaillaient pour trois fois rien, et les profits générés par cette mafia étaient de plus d'un million d'euros. En même temps, je voulais aussi que la mafia représentée dans le film soit composée de Polonais pour que le personnage principal ne comprenne pas trop Andrzej et son groupe (comme il ne parle pas cette langue). Cette barrière de la langue rend ainsi plus crédible le fait que le héros tombe dans ce piège.

    On a vraiment cherché à créer, pour les spectateurs, un effet claustrophobique, qu'ils soient pris physiquement et mentalement dans le piège dans lequel se trouve le héros.

    Quels ont été vos partis-pris esthétiques ?

    Lorsque j'ai commencé à développer le style visuel du film, j'ai voulu me centrer sur les visages des personnages. Un peu comme sur les photos de passeports. Je voulais avoir uniquement des visages dans les plans, sans grand-chose autour. On a utilisé un vieil objectif 18mm qu'on a restauré pour le film. On a vraiment cherché à créer, pour les spectateurs, un effet claustrophobique, qu'ils soient pris physiquement et mentalement dans le piège dans lequel se trouve le héros. On voulait que le spectateurs soient avec le Oleg comme si eux-mêmes étaient dans la situation de ce personnage.

    Avec ce film, avez-vous eu envie de dénoncer quelque chose ? Ou juste montrer une triste réalité ?

    Lorsque je décide de faire un film, pour moi il est très important qu'il y ait une vraie raison de le faire, autre que purement cinématographique. Je suis journaliste de formation et je veux pousser les gens à comprendre les faits et les réalités dont je parle. Je veux que mes films soient des explications de certains faits de société. Je suis bien évidemment critique vis-à-vis de situations comme celle dont je parle dans Oleg, cette exploitation de pauvres travailleurs par la mafia. Ce système esclavagiste ne devrait pas exister. Je veux montrer cette situation parce que j'ai été vraiment révolté lorsque j'ai lu cette interview : comment une telle chose peut-elle exister aujourd’hui ? L'industrie veux gagner plus en faisant des produits moins chers, mais derrière cela il y a des travailleurs pauvres exploités. Pas uniquement par la mafia, mais par la société capitaliste en général. Mon film est critique par rapport à ça. Ce n'est pas seulement la politique qui n'en fait pas assez mais aussi nous-mêmes, on reste sourds à la souffrance, la pauvreté d'autrui.

    Quels sont vos projets à venir ?

    Je travaille actuellement sur un script qui devrait donner lieu à un film qui se tournerait en 2020 ou 2021. Il s'agit d'un drame familial sur un couple dans les années 1950. Le mari, qui travaille dans le service public, est accusé d'avoir touché un pot de vin. On voit alors comment ce couple fait face à cette situation. Il s'agit également d'une histoire inspirée de faits réels.

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