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    Moloch sur Arte : "Une œuvre un peu bizarre qui prend en charge des sujets très actuels" selon ses créateurs

    Les co-scénaristes de la série d'Arte "Moloch", Arnaud Malherbe et Marion Festraëts, nous présentent le thriller fantastique, politique et social en toute franchise.

    CALT STUDIO / Sofie Silberman

    AlloCiné : "Moloch" est une proposition très singulière en France, mais elle m'a rappelé par certains aspects d'autres séries, comme par exemple "The Leftovers" ou "Mr Robot", pour des raisons différentes. Faisaient-elles partie de vos références, consciemment ou inconsciemment ? 

    Marion Festraëts : On a vu très peu de The Leftovers, trois ou quatres épisodes tout au plus. Mais je comprends tout à fait puisqu'il y a aussi ce surgissement du fantastique dans l'intime comme dans Moloch. Je crois qu'on a commencé à écrire la série avant que The Leftovers ne soit diffusée cela dit. Il y a un peu de Les Revenants aussi, dans ce même ordre idée. Quant à Mr Robot, je ne l'ai pas vue du tout. 

    Arnaud Malherbe : Moi non plus, un seul épisode peut-être, mais finalement le positionnement politique anti-capitaliste que peut avoir la série, il est assez classique. 

    Marion Festraëts : On baigne tous dans le même univers sociétal et politique. Les ferments sont là pour raconter ce type d'histoires et se poser ce type de questions, donc ensuite chacun propose une vision qui lui est propre. Ce n'est pas toujours frontal, mais ça n'empêche pas d'être pertinent. 

    Arnaud Malherbe : Mais mine de rien, il y a assez peu de séries, surtout en France, qui abordent ces sujets. Beaucoup de gens m'ont dit que la série était très politique. Mais la question n'est pas de savoir si on est d'accord ou pas avec les prises de position de nos personnages. Ce qui nous importe, c'est d'utiliser le fantastique pour répondre aux questions posées. J'aime quand une oeuvre singulière, un peu bizarre, comme Moloch, prend en charge ces sujets très actuels. 

    Vous avez commencé à écrire cette série il y a 5 ans, beaucoup, beaucoup de choses se sont passées entre temps. Finalement, la série sort au moment parfait, avec la crise que l'on est en train de vivre. Elle résonne encore plus fort !

    Arnaud Malherbe : De toute façon, pour moi ça va être de pire en pire. Les conditions de fractions politiques, sociales, environnementales de nos sociétés sont telles que ça va aller crescendo. A partir de là, les fictions vont relayer ça. Il y a beaucoup de projets post-apocalyptiques, dystopiques, en ce moment dans les boîtes de production et ce n'est évidemment pas un hasard. Lors du montage de Moloch par exemple, c'est ma monteuse qui m'a tout de suite fait le parallèle entre la série et ce qui se passait avec les gilets jaunes et la réforme des retraites. Je ne vais pas faire genre je l'avais prédit, mais il y a quelque chose comme ça, d'inéluctable, que l'on a retranscrit presque par intuition. 

    Avoir une héroïne journaliste, à l'heure où les médias sont sans cesse attaqués, ça relève du geste politique de votre part ?

    Marion Festraëts : Nous sommes d'anciens journalistes donc on sait comment fonctionnent les rédactions et on avait envie de passer par ce regard-là aussi pour montrer cela d'une manière un peu plus réaliste que ce que beaucoup de fictions peuvent proposer. On est convaincus que c'est un métier essentiel, précarisé aujourd'hui, mis à mal.

    Arnaud Malherbe : Et puis out le monde est mis dans le même sac, "les merdias" comme on entend parfois, alors qu'il y en a qui font effectivement du travail de salopards et d'autres qui se battent vraiment, jour après jour. Après en terme de mécanique, ça permet d'avoir quand même un enquête, de lier le besoin de l'héroïne d'être reconnue professionnellement à son besoin de connaître la vérité. C'est un moteur fort. 

    Pourtant, les journalistes sont très peu présents dans la fiction française...

    Arnaud Malherbe : Oui, parce qu'en France on utilise les hôpitaux, les commissariats, les tribunaux, et rien d'autre. Quand on propose quelque chose qui sort de ce tryptique-là, c'est compliqué. Il y a peut-être 20% de la production française qui réussit à proposer autre chose. 80% de l'offre de France Télévisions tourne autour du polar, pour preuve. Les autres espaces socio-culturels ne sont pas investis. Si personne parmi les dirigeants n'a du courage, les choses ne changeront pas, c'est sûr.

    Votre expérience sur "Chefs" pour France 2, qui n'a pas été simple, a prouvé qu'on peut y arriver. Travailler avec Arte, c'était vous offrir d'emblée une plus grande liberté dans l'écriture ?

    Arnaud Malherbe : Bien sûr. On a vécu des choses fortes avec France Télé, et des choses compliquées aussi. Pour Moloch, je ne pense pas qu'il y avait de meilleur endroit pour le faire qu'Arte, en tout cas le faire comme on l'entendait. Canal+ peut-être, et encore... 

    Marion Festraëts : Il se passe sur Arte des choses qui ne se passent par ailleurs, c'est indéniable. Sur Canal, il se passe des choses mais dans un cadre quand même plus défini, où le polar est très présent malgré tout en dehors de quelques tentatives. Arnaud avait déjà eu une expérience sur Arte et c'est pour ça qu'il a voulu aller là-bas aussi. On a eu la chance d'avoir en face de nous des interlocuteurs qui nous ont poussé à aller plus loin, sans jamais nous contraindre, qui nous ont stimulé, qui nous aidé à avancer et à trouver du sens à ce que l'on faisait. On sortait de chaque réunion, non pas déprimés, comme ça a pu nous arriver autrefois, mais encore plus motivés. C'est hyper précieux.

    La série fonctionne avec un rythme assez lent, vous jouez beaucoup sur l'atmosphère, ce qui peut dérouter.

    Arnaud Malherbe : On me dit beaucoup que la série est "atmosphérique" et je suis assez partagé là-dessus. Je ne sais pas si on doit s'en foutre ou si on doit s'excuser auprès des gens que ça emmerderait. Et puis le ressenti diffère tellement d'une personne à l'autre. Moi par exemple je suis dingue de la série Godless sur Netflix. Je sais qu'il y a des gens qui la trouvent lente et chiante. Je ne comprends pas ! 

    Marion Festraëts : C'est pareil avec Mad Men. Ou The Knick, ou même Euphoria et sa narration très atypique. Pour moi, c'est important d'assumer la singularité de la proposition. On est submergés par les propositions de fictions aujourd'hui, donc je trouve important de sortir des schémas, des canons actuels. 

    Le rythme de trois épisodes par soirées, vous validez ?

    Arnaud Malherbe : Je suis un peu en colère de ça, justement parce que les épisodes ne sont pas courts, parce que la narration est différente. Moi-même, je ne suis pas sûr que je regarderais le 3e. Mais c'est lié à un historique de la chaîne, qui n'était pas une chaîne de fictions à la base. Mais du coup, au montage, c'est quelque chose que l'on a pris en compte. 

    Marion Festraëts : Et puis aujourd'hui Arte a une audience très délinéarisée.

    Moloch est visible sur Arte et Arte.tv en intégralité :

     

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