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    Nina sur France 2 : la fin de la série, son regret sur la saison 6, la relation Nina-Costa... le créateur nous dit tout
    Jérémie Dunand
    Jérémie Dunand
    -Chef de rubrique télé / Journaliste
    Bercé dès l’enfance au rythme de Sous le soleil, de P.J., ou des sagas de l’été, il se passionne de plus en plus pour les séries françaises au fil du temps. Et les dévore aujourd’hui (presque) toutes, de Balthazar à Scènes de ménages, en passant par Hippocrate, Candice Renoir, Ici tout commence.

    Après six saisons, "Nina", la série médicale de France 2 portée par Annelise Hesme, s'achève ce soir. Alain Robillard, son créateur, revient pour nous sur la conclusion de cette aventure et sur la construction de cette ultime saison raccourcie.

    Caroline Dubois/FTV/Newen

    AlloCiné : La saison 6 de Nina a été tournée en 2019 et a donc mis un an et demi à arriver à l'antenne. Savez-vous pourquoi France 2 a gardé si longtemps cette dernière saison dans ses tiroirs ?

    Alain Robillard : J’ai le sentiment que la diffusion devait se faire en plein milieu de l’épidémie de Covid, l’an dernier, et à mon sens la chaîne a probablement pensé que ce n’était pas une bonne idée de rajouter de la médecine un peu anxieuse au climat général. Donc à mon avis c’est ça qui a guidé cette décision.

    Et je sais aussi qu’ils ont veillé à ce qu’on ne se retrouve pas en face d’une autre série médicale sur TF1, pour éviter une confrontation directe qui n’est jamais très bonne. Je pense qu’ils ont plutôt protégé la série qu’autre chose.

    Évidemment, le fait que la saison 6 ait été tournée en 2019 explique pourquoi le coronavirus n'est pas abordé dans la série. Pensez-vous que vous auriez intégré l’épidémie aux intrigues si cette ultime saison avait été tournée plus récemment ?

    Non seulement je pense qu’on l’aurait intégrée, mais je pense que ça aurait même été un sujet central. On a terminé la post-production de Nina durant le premier confinement, l’an dernier, et ce n’était pas très simple. Et à ce moment-là j’ai proposé un projet de série à France Télévisions pour traiter du Covid. Une série qui aurait été plus réaliste, plus dure que Nina. On en a beaucoup parlé mais le projet ne s’est pas fait finalement.

    Mais, bien sûr, c’est un sujet que j’avais envie de traiter. D’autant plus que ça mettait vraiment en relief les problèmes des soignants, les déficits de l’hôpital public, on s’en est rendu compte durant le premier confinement. C’était un révélateur de beaucoup de choses, à la fois médicales et sociales. J’aurais vraiment aimé pouvoir en parler en série, mais le timing n’a pas été bon.

    FTV

    Aviez-vous une idée depuis longtemps de la manière dont la série allait se terminer, ou les éléments centraux de cette dernière saison, comme la fermeture de l’hôpital et la grossesse de Nina, ont-ils été imaginés au moment se pencher sur l’écriture des derniers épisodes ?

    La grossesse de Nina (Annelise Hesme) on en avait déjà l’idée en saison 5. On savait qu’on allait en arriver là. Et la fermeture de l’hôpital ça nous est venu assez naturellement. Quand on a su que la saison 6 allait être la dernière, on s’est dit "C’est le moment de fermer l’hôpital". C’était intéressant pour nous car on fermait notre hôpital imaginaire en même temps qu’on refermait la série, c’était une jolie métaphore. Et puis ça permettait de dramatiser la saison de manière intéressante.

    J’ai toujours aimé quand les endroits sont en train de fermer, en panne, ou en réparation. Quand tout ne fonctionne pas très très bien. Je l’ai fait pas mal en polar. Ça crée de la comédie, de la tension. Et je trouvais que l’hôpital qui ferme c’était pas mal dans ce registre-là. On est parti assez vite dans cette direction.

    Et puis la fermeture de l’hôpital force les personnages à se projeter dans l’avenir, donc c’est forcément intéressant pour les fans de la série…

    Oui, parce qu’on voulait aussi, avec les auteurs, refermer les problématiques qu’on avait ouvertes, en fermant les fils de chaque personnage. Où en sont-ils maintenant ? Comment ont-ils géré leurs vies, leurs problèmes, leurs conflits ? Et on voulait également voir où ça les menait, effectivement.

    J’aurais volontiers fait un spin-off sur Proust (Grégoire Bonnet) dans un autre contexte (rires). On le laisse à l’imagination des téléspectateurs en fin de compte. Mais on avait envie de finir le parcours de chaque personnage, et évidemment celui de Nina. Et avec elle, on trouvait plutôt logique d’arriver à l’endroit où on termine la série.

    Malgré la mort d'Hugo, Nina décide d’aller au bout de sa grossesse, quitte à prendre des risques pour sa propre santé. Qu'est-ce qui vous intéressait dans cette intrigue de fin de série ? C'était l'opportunité de parler une fois de plus de résilience ? Et l’idée aussi que la vie continue, en terminant la série sur une note d’espoir avec la naissance de ce bébé ?

    Oui, c’est exactement la métaphore. La vie continue. On traverse des épreuves extrêmement dramatiques, des deuils violents, mais on se relève. Nina se relève. Les deux mots de cette série sont la compassion et la résilience, depuis le début. Nina incarnait ça. Et la naissance d’un deuxième enfant c’est une question qu’on s’est posée plein de fois, tout au long de la série.

    Et finalement on l’a fait à la fin car on n’avait pas envie de placer Nina dans une situation où elle avait besoin de choisir entre son rôle de mère et son travail. Ça arrivait donc au bon moment. Et le choix qu’elle fait est assez "drama". Car cet enfant c’est ce qu’il lui reste d’Hugo (Amaury de Crayencour). C’est un mélodrame Nina, finalement (rires).

    Caroline Dubois/FTV/Newen

    L’une des évolutions les plus intéressantes de cette saison 6 concerne sans aucun doute Dorothée, qui prend confiance en elle après avoir réussi à surmonter le traumatisme qu’elle a vécu à cause de Melville. C’est un personnage que vous aviez envie de voir se révéler depuis longtemps ?

    Le personnage de Dorothée a bougé tout au long des saisons, elle a grandi, ça duré six ans finalement. De l’infirmière naïve, et un peu gourde du début, mais marrante, on en a fait un personnage qui a grandi. Et on s’est rendu compte en saison 5 que ce personnage avait un super pouvoir : celui de dire la vérité.

    Dorothée, avec sa candeur et son absence de filtre, c’est un personnage qui dénouait très souvent les situations car elle était capable de dire très clairement les choses. Et cette année on était très content, d’autant plus dans un contexte Me Too, d’en faire une femme capable de se battre, de se défendre, et de gagner dans la situation dans laquelle elle était plongée. C’était vraiment délibéré.

    J’adore Alix Bénézech, c’est une comédienne qui a tellement de facettes en elle, elle peut tout jouer. J’adore les moments où elle se fâche, où elle tape du poing. Elle est passée par beaucoup d’états différents et c’est un personnage qui a eu un développement très intéressant tout au long de la série. On s’est beaucoup battu pour qu’elle ne reste pas cantonnée dans le stéréotype de la blonde (rires).

    La fin du dernier épisode paraît un peu précipitée. On aurait aimé découvrir Dorothée et Léo dans leur nouvelle vie par exemple, voir Nina un peu avec le bébé. Seulement six épisodes pour boucler la série, c’était une vraie difficulté ?

    Oui c’est un gros regret. On était parti pour faire douze épisodes, comme la saison précédente, ce qui est une grosse affaire en termes d’écriture. On avait un gros staff d’auteurs, on a beaucoup bossé pour construire une saison sur douze épisodes, et finalement en cours de fabrication la chaîne nous a dit qu’elle n’allait en faire que six. Et là ça a été assez compliqué.

    On avait vraiment écrit les arches pour douze épisodes, on avait un certain tempo. Et c’est donc pour ça qu’il y a une vraie césure entre les quatre premiers épisodes et les deux derniers. Et les choses se précipitent à la fin, c’est vrai. J’ai beaucoup aimé la saison 5 sur douze épisodes. Pour une série feuilletonnante comme la nôtre, je trouvais que c’était un bon format.

    Mais ce qui était intéressant dans le fait de passer à six épisodes, c’est que ça nous a permis de nous concentrer essentiellement sur nos personnages récurrents. Et de terminer finalement avec eux. On aurait évidemment aimé pouvoir développer un peu plus les histoires, mais avec la productrice Laurence Bachman on s’est dit "Six saisons, c’est quand même pas mal". Quand on a commencé Nina, on ne savait même pas si on en ferait une deuxième. Donc on était un peu triste de ne faire que six épisodes, mais au fond on était très content qu’on nous donne l’opportunité de boucler la série de manière satisfaisante.

    La série se termine sur un joli clin d’œil qui devrait amuser les fans puisque dans la dernière séquence Nina appelle Proust "Machin". C’est quelque chose que vous aviez en tête depuis longtemps ?

    En fait, pas du tout, c’est une impro (rires) ! C’est venu sur le plateau et ça nous a fait marrer. La dernière ligne du scénario, de mémoire, c’était Proust qui disait "Vous ne pensiez pas que vous alliez vous amuser sans moi ?!", ou quelque chose dans le genre. Et Annelise Hesme a improvisé cette réplique et on a adoré, donc évidemment on l’a gardée.

    Caroline Dubois/FTV

    La série se referme sur Nina et Costa qui travaillent toujours ensemble, dans un nouvel établissement. Doit-on comprendre qu'ils vont se remettre ensemble ? Qu’ils vont élever ce bébé tous les deux ? Ou du moins qu’ils pourraient se remettre ensemble un jour ?

    On n’a volontairement pas tracé la ligne car on voulait laisser ça ouvert, afin que chacun se fasse sa propre interprétation. Mais, au fond de moi, je pense que oui. En tout cas il sera le père de l’enfant. Est-ce qu’ils seront à nouveau amoureux ? On ne sait pas. Mais Costa (Thomas Jouannet) est la personne la plus importante pour Nina de toute façon. C’est le père de sa fille, ils ont traversé énormément de choses ensemble.

    On a voulu traiter ça avec pudeur, car c’était compliqué de raviver cette histoire d’amour sitôt le cercueil d’Hugo refermé. Mais il y a une espèce d’amitié amoureuse qui court entre Costa et Nina depuis le début. C’était un des éléments principaux de notre histoire.

    Au départ, les gens qui lisaient les scénarios de Nina nous disaient "C’est une comédie du remariage". Et, non, ce n’est pas exactement ça. Mais c’est un fil qui court depuis le début, c’est certain. Ce truc non résolu. Ils se sont connus très jeunes, ils se sont aimés très jeunes. Ils n’ont pas eu la chance de se rencontrer une fois devenus plus adultes. C’est donc ça au fond que je peux imaginer comme suite pour Nina et Costa.

    Vous êtes désormais directeur de collection sur Munch, avec Isabelle Nanty, que vous avez rejoint pour la saison 4, qui est actuellement en tournage. C’est difficile de prendre les rênes d’une série en cours de route ?

    Oui, c’était un peu compliqué, car je suis arrivé un peu tard sur Munch, pour tout un tas de raisons de production. Et je suis arrivé à un moment où beaucoup de choses étaient déjà écrites et où il fallait faire des choix. J’ai donc dû faire des choix assez drastiques. J’ai été obligé de me séparer de certains auteurs, j’ai beaucoup réécrit la série, avec des co-scénaristes qui avaient travaillé sur Nina auparavant.

    On a créé des nouveaux épisodes, on en a réécrit d’autres, conservé certains. Il y a eu un gros travail de réappropriation de ce qui avait été fait avant mon arrivée. C’était un peu délicat, mais une fois dans la course ça s’est très bien passé sur Munch. Qui est une série qui colle finalement assez bien à mon humour. Et puis j’étais content de refaire du polar, car ça faisait un moment que je n’en avais pas fait. Après tout, c’est un peu par là que j’ai commencé ma carrière.

    Que pouvez-vous dire sur ces nouveaux épisodes qui seront notamment marqués par le départ de Lucien Jean-Baptiste ?

    Le départ de Lucien Jean-Baptiste a créé un peu un trou d‘air, car tout ce qui avait été écrit avait été fait en fonction de sa présence. Mais le rebondissement permettait de créer un nouveau personnage. Vous verrez comment cela intervient, mais il y a eu beaucoup de discussions au sujet de la manière dont on allait le faire partir de la série. Ce que je peux dire c’est que ça crée un tremplin pour introduire un nouveau personnage qui est assez marrant. Et ça décale un peu les rapports. C’est assez marrant, ça fonctionne pas mal. Ça bouscule un peu les personnages.

    Je pense que j'ai fait une saison un poil plus drama que les saisons précédentes. Il y a un peu plus de drame humain je pense, parce que c’est ce que j’aime. Des petits restes de Nina peut-être (rires). Mais le public retrouvera la dose d’humour, d’impertinence, et d’enquêtes qu’il apprécie dans Munch. J’ai juste essayé de rester dans les codes de la série tout en l’amenant un peu vers mon univers et vers mes obsessions.

    J’ai assez hâte de voir les épisodes car cette saison 4 est encore en tournage. Je n’aime pas beaucoup voir les premiers montages, donc j’attends de les voir un peu finalisés. En tout cas j’ai de très bons retours de la chaîne. La productrice m’a dit qu’elle s’était beaucoup marrée en voyant les épisodes.

    Avez-vous d'autres projets en dehors de Munch dont vous pouvez nous parler ? Songez-vous à créer une nouvelle série après Nina ?

    En ce moment, techniquement, je suis en vacances, car je me rendu compte que je n’avais pas vraiment pris de vacances durant ces dix dernières années, donc je me suis dit que c’était pas mal de faire une pause (rires). Pendant ces dix ans, j’ai mis beaucoup de choses sur le papier, et il est temps de faire un peu le tri pour voir ce qu’il en ressort.

    Mais j’ai des envies de séries, des envies d’unitaires. Je n’ai pas fait de mise en scène depuis dix ans donc j’ai des grosses envies de mise en scène aussi. Je pense que l’une des priorités ça va être de m’écrire un film pour moi, que je réaliserais. J’aimerais bien aussi créer une série procédurale bouclée. En série, ce que j’ai le plus envie de faire c’est un polar à la Broadchurch ou Mare of Easttown. Mais tout dépend du contexte, du diffuseur, du producteur.

    Mais ce qui est certain c’est que j’ai envie de m’amuser et d’explorer d’autres choses. Donc je me suis obligé à prendre du temps pour voir sur quoi j’ai envie de concentrer mon énergie. J’ai beaucoup écrit sur Nina et sur Munch. J’ai co-écrit toutes les saisons de Nina, j’ai co-écrit toute la saison 4 de Munch. C’était assez crevant. Et évidemment très excitant aussi. Mais à un moment donné il faut lever un peu le nez du papier et regarder un peu vers l’avant. Donc on verra bien.

    La bande-annonce de l'ultime saison de Nina, également disponible sur Salto :

     

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