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    Interview : "Intervention divine"

    A l'occasion de la sortie du drame "Intervention divine" ce 02 octobre, retrouvez l'interview vidéo du réalisateur/scénariste/comédien Elia Suleiman.

    AlloCiné : Un film politique ?

    Elia Suleiman : Je ne suis pas certain de savoir répondre à votre question, mis à part en vous contredisant. La grande surprise a été que de nombreuses personnes qui avaient un grand nombre d'idées préconçues ont fini par devenir réceptives à ce genre de film et l'ont compris. Sinon, je doute fort qu'ils auraient réagi de la sorte. Je trouve formidable que le cinéma puisse encore être apprécié au premier degré par le public, et même par ceux qui se sentent quelque peu mal à l'aise face au contexte politique du film. J'ai travaillé très dur pour que le premier degré soit la première chose à laisser une impression forte sur les spectateurs, plutôt que le message politique sous-jacent. J'ai mes complexités, tout comme chaque spectateur. Nous ne pouvons donc pas passer outre l'importance du bien-être et l'importance de la complexité du spectateur. J'ai plutôt l'impression que les deux se sont rejoints parfaitement, compte tenu des réactions que je constate ici.

    Je n'y connais rien en matière de distribution, mais, d'après ce que je peux voir, ce film n'a pas touché uniquement les sympathisants, si je peux me permettre. J'ai pu entendre plusieurs personnes "pro-Israël", comme vous dites, ou personnes qui pourraient avoir un regard ambivalent sur le contexte du film, dirent : "J'ai adoré, même si j'ai dû payer." J'ai également lu un article dans Le Monde qui parlait de la presse israélienne de la même façon. C'est exactement que je souhaite à ces gens : qu'ils passent de bons moments, qu'ils souffrent moins. C'est déjà un bon début.

    Un constat pessimiste ou optimiste ?

    Plusieurs personnes, dont certaines au regard ambivalent, comme vous disiez, ont voulu savoir quel était mon point de vue, et non celui du film. Je leur ai répondu : "Mais, c'est moi qui ai fait ce film. De surcroît, je joue dans le film !" Donc, en toute logique, si je n'avais pas réalisé ce film, alors, je serais là en train de leur parler de pessimisme. Mais, puisque je l'ai tourné, cela prouve que je suis aussi quelqu'un d'optimiste.

    Se mettre en scène

    Ce n'est pas un stratégie, mais une nécessité. D'ailleurs, je me souviens que pour ce film, j'ai souvent songé, par paresse et par fatigue, à mettre quelqu'un d'autre à ma place devant la caméra. Or, je pense que sans ma présence, le film aurait perdu de sa transparence. J'ai choisi de jouer dans mon film afin d'être marginal, translucide, transparent, et non pour me placer sur le devant de la scène. D'ailleurs, je ne parle pas. Je ne suis là en principe que pour servir de référence, de rappel à la narration : statique et muet. Je voulais également partager avec le public cette sorte de marginalité que je ressens parfois dans ma vie. J'ai choisi de me mettre dans le film afin de proposer aux spectateurs une position semblable à la mienne. Je deviens une sorte de médiateur, parfois même un interprète. Mais, je cherche également à préserver une certaine marge de recul pour le spectateur.

    Un monde imaginaire

    J'aime bien votre idée de mouvement de conscience. Je ne sais toujours pas pourquoi j'ai utilisé l'imaginaire comme partie intégrante de la narration. Autrement dit, dans les films, nous savons reconnaître un rêve ou un retour en arrière... Quant à moi, j'ai à plusieurs reprises mis la réalité entre guillemets et j'y ai intégré l'imaginaire comme faisant partie de la "réalité normale". J'ai rapproché les deux. Tout ce que vous voyez sur Nazareth sont des passages entre guillemets. C'est un scénario, des mémoires, mais tout reste ambigu. La réalité reste à être imaginée. Cela se fait progressivement : "Je me dirige vers l'hôpital. Sur mon chemin, je vois un tank au bord de la route". Or, l'image suivante est celle de moi allant à l'hôpital. Il n'y a pas de message particulier. Je trouve ça intéressant.

    Je vais reprendre ce que vous venez de me dire : c'est en effet un mouvement de conscience différent. Je peux également confirmer que les trois genres que nous retrouvons dans le film sont en effet des genres, des variantes de moi-même, qui m'attirent, qui m'intéressent. J'ai envie de les porter à l'écran. Ils se trouvent au fond de moi. Cette fois-ci, je ne les ai pas étouffés. J'ai d'ailleurs abordé le sujet à partir de ces trois genres : minimalisme, pseudo-narration et action.

    Propos traduits par Camille Joubert

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