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    "Demonlover" : AlloCiné au coeur du cyber

    Interview vidéo de Charles Berling, entretien avec Olivier Assayas, bande-annonce : à l'occasion de la sortie de "Demonlover" le 6 novembre prochain, AlloCiné fait le point sur ce thriller cybernétique.

    Après s'être plongé dans le monde de la fabrication de la porcelaine de Charente au début du siècle avec Les Destinées sentimentales, Olivier Assayas prend aujourd'hui la tangente en réalisant un thriller international au casting alléchant (Connie Nielsen, Charles Berling, Chloë Sevigny, Gina Gershon), qui entraîne le spectateur aux portes du 21e siècle. Demonlover, une plongée au coeur de l'affrontement et de l'espionnage industriel entre deux multinationales autour de la distribution de mangas érotiques sur Internet. Rencontre...

    AlloCiné : "Demonlover" s'intéresse aux images, de leur production jusqu'à leur consommation...

    Olivier Assayas : Le sujet de Demonlover, c'est la façon dont les images présentes dans le réel transforment notre inconscient, notre imaginaire, en contaminant les individus. On n'est pas juste traversé par des images de représentation sexuelle ou fantasmatique : elles s'inscrivent en nous. En parallèle, j'ai essayé de mettre à jour les mécanismes du commerce et de l'argent aujourd'hui. Déjà dans Les Destinées sentimentales, je m'attachais à décrire toute la chaîne de production de la porcelaine. Dans Demonlover, quand je parle de mangas, j'ai envie de montrer dans les ateliers par qui et comment ils sont fabriqués.

    Pourquoi avoir choisi d'aborder cette histoire par le biais d'un thriller ?

    Le thriller, comme au fond tous les genres cinématographiques, établit des règles qui sont faites pour être brisées. Les personnages peuvent glisser du monde réel à des mondes purement imaginaires. Du point de vue cinématographique, c'est évidemment très excitant. Même si le film dit des choses sérieuses, le spectateur sait que l'aspect ludique prend toujours le dessus.

    Le film dans son mode de production (tournage au Mexique, au Japon, en France ; casting international) et son intrigue rend compte d'un processus très contemporain : la mondialisation...

    Quand j'ai commencé à écrire ce film, je me suis très vite dit que le changement le plus important, c'est que le monde s'est unifié. Dans la pratique du commerce aujourd'hui, les frontières n'existent plus. La circulation des images et de l'argent implique une fluidité des individus autour du globe. J'avais envie qu'une conversation qui a commencé à Tokyo puisse se terminer à Paris...

    La circulation des images est quelque chose qu'on retrouve dans la forme même du film puisque vous vous réappropriez des images très diverses (mangas, Internet,...).

    J'essaie de faire se rencontrer des choses qui n'ont rien à voir entre elles, qui ne sont pas destinées à se rencontrer, et je vois ce que ça produit. Il y a des images du films qui sont tournées en DV. Toute la fin au Mexique est filmée en Scope super 16. J'utilise des images de mangas, de la télévision. C'est un film hybride. Demonlover pose la question de savoir ce qui se passe quand on mélange des images, ce qui circule d'une matière d'image à une autre. Cette confrontation dans la forme même du film était donc obligatoire. Le tout devient une matière un peu expérimentale.

    Parlons de l'univers particulier du film, froid et déshumanisé...

    Le film est à la fois au présent et très légèrement au futur. J'ai tendance à dire que c'est un film fantastique au présent. Il ressemble à la façon dont le monde lui-même se rêve. j'ai l'impression que les gens ne vivent pas encore exactement comme ça mais qu'ils se fantasment comme ça. Les intérieurs du film ressemblent à des lieux contemporains au pire sens du terme. Les personnages prennent l'ascenseur, vont dans un parking puis se rendent dans un restaurant qui ressemble à chez soi. Ils peuvent rentrer à leur domicile sans avoir croisé le monde réel à aucun moment. C'est quelque chose de très contemporain et d'angoissant.

    Mais la caméra contrebalance cela en restant très proche des personnages...

    Comme les personnages sont dans cet espace déshumanisé, j'avais très envie qu'ils existent physiquement. J'ai voulu travailler avec une actrice comme Connie Nielsen car c'est quelqu'un qui a une forte présence à l'écran, qu'on regarde. De la même manière, j'avais envie que le personnage joué par Charles Berling ait cette pesanteur physique (il a pris 10 kilos pour le rôle). Le monde produit de l'abstraction mais les êtres ne sont pas comme ça. Ils sont charnels. Le film est vraiment sur la résistance de l'humain à un monde de plus en plus impersonnel.

    Au final, le film cherche constamment à aller voir derrière la surface des choses...

    Dans Demonlover, j'ai l'impression que tout part de la première séquence. On a le sentiment que ce sont des personnages d'un thriller d'espionnage. On les voit juste agir. Chacun se reconstitue son propre scénario autour de ça, parce que je ne donne pas d'éléments pour le faire. Ce qu'il se produit en réalité, c'est que toutes nos attentes sont déjouées. Chacun des personnages se révèle un masque sur un masque. On se rend compte que quelque soient leurs motivations, elles sont plus complexes que ce qu'on a pu imaginer. Le film est toujours dans le dévoilement, mais jusqu'à l'absurde : il ne révèle plus que le mystère essentiel des êtres.

    Propos recueillis par Boris Bastide

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