L'histoire d'un mec qui sent qu'il se ferait plus d'argent mort que looser vivant.
Luc Moullet est un cas totalement à part dans le cinéma du siècle dernier. Aussi intellectuel et peut-être plus cinéphile que Rohmer mais incroyablement moins productif et rebelle, aussi décalé que Mocky, mais somptueusement plus égocentrique et encore plus en dehors de notre époque. Cela donne des vrais films d'art et essais comme « Anatomie d'un rapport », ou une série Z à moitié réussie comme « les naufragés de la D17 », mais, à la surprise générale (de ceux qui le suivent depuis toutes ces années), Luc a retroussé ses manches de septuagénaire et nous sort cet OVNI incroyable.
Car ce film est drôle, fantasque, parodique, cultivé, intense, et complètement fou à force de trouver un rythme basé sur toutes les invraisemblances chères au septième art américain et français.
Certes, deux personnes sont sorties de la salle au bout de trois quart d'heure (à un moment où le burlesque peut-paraître trop fort, mais il suffit de rester un peu pour comprendre où il veut en venir), mais vus les éclats de rire dans la salle, on ne peut pas dire que je me trompe en affirmant que j'ai pris presque autant de plaisir qu'avec le dernier Mr Bean, dans un registre autrement subtil.
Qu'un mec de 70 ans qui n'a jamais gagné d'argent avec cette activité (ni avec aucune autre à mon avis !) puisse avoir le courage et la volonté d'écrire un truc aussi bien ficelé, ça fait froid dans le dos quand on voit la paresse des jeunes cinéastes actuels.
Par ailleurs pour ne pas gâcher notre plaisir, c'est bien filmé, à défaut d'être bien joué, puisque, sauf vers la deuxième moitié du film, le ton de tous les acteurs est phagocyté par la « méthodologie » sénile de Luc Moullet, qu'il utilise pour le plus grand mal de son cinéma depuis 40 ans, et qui parfois rappelle certains Chabrol. Mais ça fait aussi partie de son charme pour les aficionados.
Bref, c'est sûrement le plus « grand public » des films de Luc Moullet, et c'est la meilleure raison de courir pour le voir, car il n'est disponible que dans une salle à Paris, et sans doute pas pour longtemps. C'est pour le coup vraiment très très très dommage. Car ce cinéma là, par son originalité, est un divertissement à lui tout seul, en dehors du cynisme poussé à l'extrême limite de la digestibilité.
Une grande claque à nos petits esprits consommateurs et une bouffée rare d'optimisme créatif, contrairement aux critiques qui parlaient de sinistrose. La mort n'a jamais été aussi drôle, sauf peut-être dans certains Mocky, et le cinéma ne s'est jamais autant moqué de lui-même et de son système.