Magnifique. Hou Hsiao Hsien fait preuve d'un talent peu commun avec ses plans (quasiment) fixes, rappelant quelque peu l'art du grand Ozu. Autant de tableaux éclairés à la perfection, mus pas les déplacements des domestiques, des courtisanes ou des riches hommes recherchant leur fréquentation. Reflet de la rigidité de cette société aux milles usages, on ne quitte jamais les intérieurs luxueux et étouffants, passant sans transition des salles de jeux enfumées aux chambres à coucher où se dénouent nombre d'intrigues. Car parler de courtisanes c'est forcément évoquer les jalousies, les rancoeurs, les mariages arrangés, les rêves déçus ou les amants perdus. Le style épuré de Hou Hsiao Hsien est ainsi tout à fait approprié à la subtilité des rituels de l'époque (la Chine du 19ème siècle), les rares moments passionnés n'en devenant que plus fiévreux et troublants. Le réalisateur taïwanais, contrairement à beaucoup trop de ses contemporains asiatiques, est en effet un cinéaste de la retenue, de la suggestion, quand la mode tend à la surenchère et à la démonstration la plus triviale. Grâce à la sobriété de son style, il parvient à nous toucher et à retranscrire des émotions vraies, malgré une situation particulièrement désenchantée : si quelques protagonistes espèrent encore trouver l'amour, la plupart sont déjà rongés par l'opium et l'argent. Dans les maisons closes de Shanghaï la cupidité côtoie inévitablement le désir, les femmes sont livrées au bon vouloir des hommes et s'en vont épouser le plus offrant. La liberté évidemment étant rarement de mise. Au final, Hsou Hsiao Hsien nous offre donc là un long métrage d'une grande finesse et d'une grande beauté, dépeignant avec un pessimisme certain (sans pour autant se départir de cette objectivité d'historien qui l'honore) une société très codifiée. Et je ne peux que saluer une fois de plus l'Asie Orientale, grande pourvoyeuse de talents! [4/4] http://artetpoiesis.blogspot.fr/