La question qui se pose pour tous les longs métrages adaptés de dessins animés de télévision, est : qu'est-ce que ce passage au long et au grand va apporter ? Est-ce intéressant de voir le graphisme sommaire et hépatique de Matt Groening en Cinemascope et en 3 D ? La réponse est non, et j'ai d'autant moins de scrupules à le dire que cet avis est partagé par Homer lui-même, qui après avoir regardé avec nous un épisode de Itchy et Scratchy où la souris bleue profite de sa renommée d'astronaute pour se faire élire à la Maison-Blanche avec Hillary comme vice-présidente, s'exclame en se tournant vers la salle "I can't believe we're paying to watch something we could see on TV for free! If you ask me, everyone in this theater is a big sucker!". Moi, je ne me sens pas visé, j'ai la carte UGC...
Le film est donc dans la lignée des épisodes télévisés, et c'est plutôt une bonne chose. On retrouve le même esprit iconoclaste, le même goût de la parabole caustique, le même sens du détail loufoque (la partition de "American Idiot, Funeral Version" pour l'enterrement du groupe de rock englouti dans le lac d'acide de Springfield, par exemple), ou ces répliques comme celle d'Homer cherchant dans la Bible comment sortir son père de sa crise de catalepsie et constatant que "ce bouquin ne donne aucun conseil".
L'ayant vu en VF avec un public de 7 à 77 ans (et sans doute moins), il était frappant d'entendre le décalage des rires entre les différentes tranches d'âge. Si les gags visuels amusent les plus jeunes, d'autres exigent un second degré pour être appréciés, comme la traversée de Springfield en skateboard par un Bart naturiste, où un objet est toujours là pour cacher le corps du délit, jusqu'à une trouée dans une haie...
Pourtant, le film ne sort pas indemne de ce passage de 22 à 90 minutes, essentiellement au niveau du rythme. Les gags s'enchaînent, sollicitant le sens de l'observation du détail, avec en plus des références à la politique américaine (Le Président Schwartzenegger préférant le poisson mutant aux multiples yeux à la famille Kennedy) ou à la géographie (Flanders montrant à Bart les quatre états qui bordent Springfield : l'Ohio, le Nevada, le Maine, et le Kentucky) ; cette succession trépidante de gags parfois juste esquissés amène à une attente permanente du spectateur qui perçoit du coup les passages moins effervescents comme des passages à vide, et ce n'est pas l'intrigue principale qui peut les raccrocher, vu qu'elle n'est clairement aussi bien pour les scénaristes que pour les spectateurs, qu'un prétexte à la prolifération de situations absurdes et corrosives.
Le succès attendu n'en est pas moins mérité, et mieux vaut voir un film pour gosses au propos sacrément adulte plutôt que d'aller cautionner la régression infantile du public soit-disant adulte s'amusant à se faire peur dans son coffre à jouets.
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