La presse nous promettait un chef d’œuvre. Nous avons eu droit à une œuvre singulière et pleine de charme, mais qui ne mérite tout de même pas l'appellation de "film culte". Le prolifique Johnnie To se dévoile un peu plus par le biais de cette étrange production, à l'esprit très indépendant.
Cet hommage feutré aux films de Sergio Leone est un mélange très particulier entre drame sombre, film d'action et comédie noire. Les codes du Western y sont revisités à la "sauce chinoise". Vengeance, trahison, honneur, appât du gain, perversion, rédemption ... toutes les valeurs fondatrices des Western sont présentes, astucieusement incorporées à l'intrigue simplissime mais élégante de ce film. L’ossature de cet « Exilé » est somme toute très classique, mais son déroulement aura de quoi en dérouter plus d’un ! Le rythme y est particulièrement lancinant, quasi-contemplatif d’une certaine noirceur humaine, et critique à la fois d’une société décadente, ou l’incompréhension reine. L’ambiance atypique est au service d’une mise en scène époustouflante de maîtrise. Johnnie To est un réalisateur techniquement hors pair. Les plans se succèdent avec une limpidité et une ingéniosité déconcertante, qu’on finirait presque par oublier tant elle est naturelle. Certains mouvements de caméras feront certainement pâlir l’Amérique toute entière, de même que les jeux d’acteurs, criant de réalisme. L’expertise asiatique en matière de cinéma est décidemment incontestable ! On se laisse transporter par l’aigreur et l’amertume de ce savant mélange de genre, et l’on s’attache à cette bande de tueurs à gages finalement bien plus honnêtes et intègres que d’autres …
La bande originale est touchante, comme le final du film. Des touches d’humour s’invitent de par et là, avec brio. Les fusillades et scènes d’action sont plutôt jouissives ; ça pète dans tout les sens, les balles fuses, la caméra se régale et fait des pirouettes. Malgré tout, il manque un certain souffle épique à « Exilé », qui ne décolle jamais vraiment, restant toujours lattant. Toujours est-il que Johnie To prouve une fois de plus sa capacité à mettre au monde des œuvres alambiquées, efficaces mais sensibles, dépeignant des facettes mélancoliques d’un monde à la dérive …