Bon, je ne vais pas être très gentil avec ce film. Alice au pays des merveilles fait clairement partie du ventre mou du corpus de Tim Burton, et j’avoue que c’était attendu. Quand deux génies aussi fantaisistes et inventifs que Burton et Carroll se rencontrent, cela ne peut donner qu’un travail bancal, et plus explosif que cohérent. Je vais commencer par l’interprétation. C’est une déception, en dépit d’un casting étincelant. En premier lieu, Mia Wasikowska. Avec toutes les Alice existantes, la concurrence était rude, et là elle n’est pas au point. Elle est fadasse, manque de charisme, joue avec une certaine apathie. Je repense à Kate Beckinsale dans le même rôle (et dans une production clairement moins cotée), et en faisant la comparaison il n’y a pas photo ! Dans les autres rôles, ben il n’y a pas grand-chose. Depp fait son petit numéro, mais semble mal à l’aise, ce qui est curieux devant la caméra de Burton. Carter est tellement déformée, qu’il est difficile de juger son jeu d’actrice. Dans les seconds rôles il y a du bon et du moins bon, mais de la part de Crispin Glover ou d’Anne Hathaway on était en droit d’attendre beaucoup plus. En fait les personnages les plus intéressants sont les créatures, en plus doublées avec beaucoup de soin par de grands acteurs.
Niveau scénario, là aussi c’est très bof. Le film donne l’impression d’aller à cent à l’heure, de ne jamais explorer cet univers, ses personnages (pourtant il y aurait eu de quoi prendre son temps). Il est superficiel en fait, et s’il suit Lewis Carroll (avec des libertés mais je respecte ce choix), il n’en restitue jamais la profondeur. Bien sur Alice au pays des merveilles est un livre visuel, avec un univers étonnant. Mais il y a une profondeur symbolique, une dimension onirique qui ne peut pas se limiter à noircir vaguement le tableau. Burton surimposant ici son univers un peu sombre et gothique à celui de Carroll (sombre en effet, mais par bien d’autres aspects). De la part d’un réalisateur qui donne généralement un volume incroyable à trois fois rien (rappelez vous, un réalisateur raté et un jardinier aux cisailles !), il a là un univers foisonnant et le survole.
Visuellement le film se rattrape, c’est vrai, mais attention. Avec 200 millions de budget, il avait intérêt à envoyer du bois ! La photographie est magnifique, avec des couleurs et des contrastes sublimes, la mise en scène de Burton s’avère solide, les décors sont variés et d’une grande richesse. Je regrette un peu quand même que ces derniers, ainsi que les effets spéciaux soient si nombreux, et donnent un coté artificiel systématique. La musique (du Elfman encore !) est correcte, mais enfin on a clairement vu bien mieux ailleurs.
Au final, cette adaptation du texte de Carroll est décevante. Clairement mieux dotée que toutes les précédentes adaptations, elle s’avère trop artificielle et trop superficielle. Personnages peu approfondis qui passent dans le film comme des ombres, scénario qui n’exploite que la partie émergée de l’iceberg, seul l’aspect visuel rattrape un peu la donne. Néanmoins même cette somptuosité manque de poésie, d’âme. Cet univers doit être vivant, on doit sentir battre un poumon, mais non, c’est juste beau à contempler. Je suis peut-être sévère mais avec 200 millions, un casting énorme, et un réalisateur qui a quand même une sacrée expérience, même les boutons de chemises comptent.