Une fresque dantesque, par un réalisateur au sommet de son art, cet Art très personnifié et tant copié, à qui on a approprié un adjectif personnalisé (“Scorcésien"), très définissable par sa mise en scène et la mise en abîme des histoires, talent et marque de fabrique qui ne lui appartiennent qu'à lui-seul. “The Irishman" est donc une pure oeuvre "Scorcésienne". En reprenant la thématique des films de mafieux, que M.Scorcese n'a cessé d'inventer et de (se) réinventer, en reprenant ce magnifique duo de Cinéma formé par R. De Niro et J.Pesci, en re-mettant en scène ces plan-séquences mythiques et ses cadrages qui lui sont propres, en captant la violence subite, en filmant la famille, la fratrie, l'escalade, les chûtes et les règlements de compte: “The Irisman“ est un concentré de l'oeuvre du Maître sur son terrain de prédilection. Le film a beaucoup à dire et à raconter, et prend son temps pour le faire: 3h30, c'est long, certes, mais c'est sans ennui, nécessaire pour gagner en intensité, et c'est surtout sans temps mort et sans baisse de régime. Le passage obligé pour parler d'un temps qui passe et surtout pour le décrire. Cette réflexion, mêlée de nostalgie et d'impuissance, est constamment présente dans le film, et ne manque pas de faire écho sur le parcours du réalisateur et de ses trois acteurs phare, à l'aube d'une retraite qu'on leur souhaite le plus tard possible, mais dont on est conscient que les échéances sont de plus en plus courtes. Même si J.Pesci est toujours parfait chez M.Scorcese, la première à l'écran de A.Pacino derrière la caméra du réalisateur, est une évidence qu'on n'attendait plus et qui sublime encore plus ce film. Associé à un R. De Niro qu'on n'espérait plus revoir dans un rôle aussi intense, les 2 dinosaures nous rappellent à l'ordre, que leur puissance de jeu est toujours aussi vivace et intense. Mention spéciale à R. De Niro, particulièrement saisissant et impressionnant dans un film qu'il porte de bout en bout. Beaucoup parlent d'un film testamentaire pour qualifier “The Irishman“. Ce n'est pas complètement faux, tant on retrouve tous les ingrédients qui ont fait la réussite, la richesse et la beauté de la filmographie de M.Scorcese. Le réalisateur, comme ses acteurs, et comme l'histoire elle-même de “The Irishmen“, n'ont de cesse de rappeler tout ça, de brasser des époques et de la nostalgie, comme de comparer cette prestation aux précédentes (“Casino“, “Les Affranchis“, “Mean Street“,...). Même si on peut ressentir une sagesse plus présente, moins de flamboyance dans la réalisation, une vision d'abnégation et mélancolique inhérente à un homme d'un âge avancé dans sa vision des choses et de sa modernité, “The Irishman“ ne sera pas le meilleur film de M.Scorcese. Mais une forme de conclusion de haut-vol, de savoir-faire indéniable, un bijou de réalisation et de narration, comme un épilogue émouvant, égal et conforme à lui-même, la pâte et l'empreinte du (plus) grand réalisateur de tous les temps.