Sorti en 1976, au paroxysme du franquisme (Franco mourra quelques mois plus tard). Revu dans sa version originale espagnole sous-titrée en novembre 2007. Pas une ride. Au point qu'il mériterait d'être plébiscité une nouvelle fois. Les productions des seventies vieillissent souvent par l'accoutrement, les coupes de cheveux, ici, rien de tel, chaussettes noires et jupes plissées peuvent figurer un uniforme d'aujourd'hui. D'autant que ce qui est dénoncé reste de toutes les actualités. Au plan technique, Carlos Saura est déjà très au point à cette époque (les effets espéciaux et la surcharge de plans n'apportent parfois rien de plus). Double discours, mais comme le plus recevable pour tous est aussi dense que l'autre, c'est un enchantement permanent, pour peu qu'on ait un brin de patience au tout départ, il faut rentrer progressivement dans cet univers... Bien filmé, repérable grâce à la chansonnette "Porque te vas", ça se passe dans le milieu militaire madrilène. Pas si austère que ça, sympathique même, mais attention au protocole. La petite Ana Torrent bouleverse toujours autant par ses grands yeux noirs. D'ailleurs, d'office, ce double deuil des trois fillettes sidère, on se dit que la folie va être leur lot. Nombreux flashs-back : scènes d'un réalisme à couper le souffle (entre autres, Géraldine Chaplin se tordant de douleur sous un regard qu'on penserait devoir ménager). Ce qui est décortiqué est assez dur dans l'ensemble, avec des passages plus légers (les seins de la gouvernante). De plus, la voix off annonce que la vie devrait, comme souvent, avoir le dessus... Un film beaucoup plus riche si on l'entend à deux niveaux. A propager pour avoir une idée de ce que fût le franquisme pour Carlos Saura. Et deviner comment pareil régime s'obtient à l'usure, la plupart du temps, avec la complicité collective...