Difficile pour celui qui n’a pas lu le célèbre récit éponyme, signé Daniel Pennac, de porter un jugement concret à l’œuvre filmique de Nicolas Bary. Pourtant, Au bonheur des ogres s’inscrit clairement dans une optique bon enfant, sur écran, tout en traitant, en fond, d’une monstrueuse histoire d’enlèvement et j’en passe. Je n’ai pour ma part jamais mis le nez sur les écrits de Pennac. De là, j’entre de plein pied dans un univers fantasque insolite, sans toute pas par le meilleure porte, le cinéma étant souvent inférieur aux écrits. Après visionnage, il apparait que Nicolas Bary, malgré les reproches lui étant adressé, est tout de même parvenu à offrir au public un film indéniablement attractif. Les lecteurs seront sans doute déçus, mais pour les autres, le travail du metteur en scène, de son scénariste, tient très bien la route, à l’exception peut-être des variations perturbantes de ton employées.
Oui, ce qui frappe au vu d’au bonheur des ogres, c’est cette distinction pour le moins tranchée entre le ton comique, ironique et enfantin de la réalisation et la noirceur du fond du récit. C’était sans doute le cas dans le livre de Pennac, la famille Malaussène étant le centre non seulement de ce bouquin mais d’une série de nouvelles. Pour autant, au cinéme, parler d’enlèvement d’enfants, de vengeance et d’attentat avec autant d’humour peut surprendre, en bien. Oui, la fraîcheur du scénario n’est pas toute remarquable mais ce décalage entre noirceur et joie de vivre est pour le moins l’atout majeur du film de Bary, excellent metteur en scène qui s’inspire sans doute des œuvres de Jeunet, Gilliam ou encore, à moindre mesure, de Tim Burton ou de l’univers d’Hugo Cabret chez Scorsese.
Le générique est tout bonnement excellent et s’en suivent un long défilé de séquences habilement filmées. Techniquement, le film est réussi. Manque toutefois d’ambition celui qui prétend livrer à l’écran l’adaptation d’un hit de la littérature française. Le manque de souffle de Nicolas Bary est dommageable tant ses ambitions son légitime. Si individuellement, Au bonheur des ogres est tout à fait acceptable, voir plus, placé dans un contexte de franchise à succès, il semble impossible de pouvoir perdurer de cette manière. Si l’on adore, notamment, l’aspect bouc-émissaire du personnage de Benjamin Malaussène, l’on peine sincèrement à apprécier son interprétation des faits lorsqu’il narre à ses frères et sœurs ses journées. Certes, cela découle du roman, mais Nicolas Bary peine à y donner une réel esprit.
Dans l’ensemble plutôt correct, l’on doit également la bonne marche de ce film aux interprètes. Dans un premier temps, l’acteur montant qu’est Raphaël Personnaz livre une prestation honorable malgré une certaine retenue que l’on peut aisément sentir lorsqu’il affronte le regard d’Emir Kosturica, notamment. La belle Bérénice Béjo, quant à elle, continue de flamber sur les tournages, toujours fraîche et rayonnante. L’on pourra accessoirement s’étonner du peu d’importance de Mélanie Bernier au casting, fille aussi sublime que talentueuse laissée, selon moi, trop en arrière plan. Bref, pour une comédie française qui se permet le luxe de retravailler une œuvre célébrée de par l’hexagone, pour une comédie française qui se permet le luxe d’y intégrer du drame à l’humour, Au bonheur des ogres s’en sort avec les honneurs. 12/20