Le contexte africain
160 000 Sahraouis nomades vivent aujourd'hui dans des camps de réfugiés, puisque le territoire qu'ils revendiquent a été occupé initialement par les Espagnols (jusqu’en 1976), puis repris par la Mauritanie (jusqu’en 1979) et actuellement par le Maroc. Malgré une décision de la Court Internationale de Justice en faveur des nomades, leur territoire est toujours occupé. L'armée marocaine a d'ailleurs construit un mur traversant les terres, une démarcation sous haute surveillance qui permet aux Marocains d'occuper cette partie du territoire. Un cessez-le-feu a été instauré en 1991, évitant les hostilités, mais empêchant également toute nouvelle discussion sur la distribution de terres entre les parties concernées.
Un spécialiste de l'Afrique
Une trilogie
Territoire Perdu constitue le dernier volet d'une trilogie documentaire ancrée sur la réalité africaine et sur une "poétique de l'humain", selon Jacqueline Aubenas, une spécialiste et enseignante de cinéma. Les deux premiers volets sont, respectivement, Le Cercle des noyés (2007) et Les Dormants (2008).
Super 8
Hésitant au départ sur le format de captation d'images qu'il utiliserait dans Territoire Perdu, Pierre-Yves Vandeweerd a opté pour l'utilisation du Super 8, une pellicule très peu utilisée dans le cinéma commercial contemporain, mais dont les tremblements donnent l'impression qu'il s'agit d'une image plus proche du réel que l'est le numérique, par exemple.
Tournage concis
Alors que la plupart des documentaristes enregistrent des dizaines, voire des centaines d'heures d'images pour arriver à la version finale du film, Pierre-Yves Vandeweerd n'avait que quelques heures d'images enregistrées après deux semaines de voyage en Afrique. Cette concision correspond à une méthode choisie dès le départ du projet, afin d'aller à l'essentiel.
Le son des grottes
Après avoir enregistré les sons des vents typiques du désert saharien, le cinéaste a décidé de reproduire ces sons avec des enceintes à l'intérieur de grottes et d'autres cavités en Lozère (France), obtenant de ce deuxième son l'atmosphère sonore voulue, afin d'"évoquer un univers mental" et de permettre au son de "devenir une forme de pensée, celle qui naît de la solitude et de l’oubli."
Un regard académique
Le cinéaste belge Pierre-Yves Vandeweerd a suivi un parcours interdisciplinaire très varié : après des études en communication et journalisme, il a enseigné la philosophie à l'université et a fait des études d'anthropologie et de civilisation africaine. Depuis, il participe à l'organisation de festivals de cinéma, à la rédaction d'ouvrages scientifiques et à des rencontres annuelles d'écriture et de réalisation documentaire.
Changement de plans
Le projet de Territoire Perdu est né en 2008. A ce moment-là, en préparant des repérages des deux côtés du mur qui sépare le Sahara, le réalisateur avait l'intention de recréer en images l'histoire du Sahara occidental. Cependant, lorsqu'il a rencontré les réfugiés du territoire sous contrôle du POLISARIO (Front de Libération du Sahara occidental), il a décidé de se concentrer exclusivement sur les puissants témoignages issus de ses rencontres.
Cinéma et politique
Bien que la démarche de Territoire Perdu soit ouvertement militante, Pierre-Yves Vandeweerd tenait à ce que l'intérêt du spectateur surgisse autant de la construction en images que du thème choisi, ou selon ses propres mots, que "la force d’un film réside dans sa capacité à sublimer par l’esthétique le propos et à octroyer au spectateur une place à partir de laquelle il pourra se mouvoir en pensée."
Myope ou presbyte
En reprenant la division de
Julien Gracq,
Pierre-Yves Vandeweerd voulait rompre avec l'idée selon laquelle
"il y a deux manières de regarder : à la façon du presbyte qui se met à distance pour regarder ou à la façon du myope qui doit se rapprocher pour voir plus clairement." Le cinéaste souhaitait que
Territoire Perdu s'inscrive entre ces deux regards, dans la relation dynamique qui unit les Sahraouis au territoire qui les entoure.