J’avais presque oublié que Matthew Vaughn était anglais ! "Layer Cake", son 1er long-métrage, ne laissait pourtant aucun doute, polar nerveux et malin qui portraitait Londres et ses faubourgs, ses caïds et ses petites frappes, tout à fait dans le style des films de son pote Guy Ritchie, dont il était alors le producteur (du moins juqu’à leur séparation pour cause de madonnite aigue). Le film, je m’en souviens, révéla Daniel Craig, et impressionna suffisamment outre-atlantique pour que les studios Marvel proposent à Matthew Vaughn de reprendre la saga X-Men au départ de Bryan Singer. L’affaire ne se fit pas, en tout cas pas tout de suite (Marvel devait revenir à la charge et avec plus de succès pour "X-Men, le Commencement"), mais Vaughn en profita pour explorer le catalogue de Icon Comics, le label créé par la maison Marvel au bénéfice des auteurs qu’elle avait sous contrat, histoire qu’ils puissent développer leurs propres projets. C’est là que Vaughn allait découvrir le "Kick-Ass" de Mark Millar, avec les suites que l’on sait, et c’est là encore qu’il est allé chercher la série "The Secret Service" du même Millar, associé cette fois au dessinateur Dave Gibbons (le créateur des "Watchmen"). On comprend bien ce qui a pu enthousiasmer le réalisateur, adepte d’un cinéma du fun (l’humour déjanté est peut-être le seul point commun des 5 films de sa fulgurante carrière) : "The Secret Service" renoue avec l’esprit parodique des anciens James Bond, ce délectable n’importe nawak (méchant d’anthologie, complot délirant, gadgets en pagaille..) que la saga a abondonné pour un registre définitivement plus réaliste avec le reboot Daniel Craig. En fait, si on y réfléchit, ce James Bond là, dont nous étions un peu orphelins, est celui de la période Roger Moore, la seule véritable incarnation du gentleman-espion, mélange d’élégance et de flegme. C’est à dire, pour les voir revus, les films les plus faibles de toute la saga ! Moore sortait alors des 2 feuilletons qui avaient fait sa légende ("Le Saint" et "Amicalement vôtre"), et c’est moins l’acteur que ce personnage de détective-aristocrate qu’il emmenait dans ses bagages, humour pince-sans-rire et costumes impeccables, que les producteurs avaient alors recruté. Et qu’importe si Moore, déjà un peu vieux pour le rôle (plus âgé en fait que Sean Connery) avait du mal avec la moindre cabriole. C’est donc ce back-ground des séries anglaises de l’âge d’or que revisite "Kingsman". Et en premier lieu "Chapeau Melon et Bottes de Cuir" (ces autres "Avengers" !) avec la panoplie de John Steed, très Savile row, sa diction parfaite, merveilleusement snob, qui ont à l’évidence inspiré Harry, le personnage de Colin Firth. Et avec les intrigues brillantes de Brian Clemens, ses variations foutraques sur les dérives de la science, comme son invention d’ailleurs d’une mystérieuse agence, qui me paraissent la vraie matrice de ce script délirant. Vaughn a réussi son coup, son film retrouve avec brio ces élucubrations joyeuses et cet usage poli, presque à regret, de la bagarre. De la super-bagarre même, et c’est la grande surprise de "Kingsman" : voir Colin Firth aussi physique, aussi crédible, dans des bastons aussi génialement spectaculaires. Matthew Vaughn a mis dans ces scènes tout son savoir-faire de réalisateur de block-busters, mais il a pour le moins haussé le niveau, livrant quelques délires chorégraphiques qui vont rester (oh bazar, cette scène de l’église !...). Bref, si "Kingsman : Services secrets" est un hommage réussi aux films d’espionnage déjantés, c’est surtout cette fois un bon film. Excuse-moi Roger, mais ça nous change !