C’est d’abord une voix. Tremblante, rauque, gutturale. Magnifique personnalité blessée dans sa jeunesse par une méchanceté dite humaine, morceau d’âme balancé sur les bords d’une route mais jamais délaissé par la passion qui l’anime, Janis est là, à parler à son public, de ses peines inconsolables et de ces amours au ton variable. Amy Berg réunit avec talent les documents d’archives pour ensuite mieux les entrelacer entre eux, et rend en même temps hommage à un être qui avait pour volonté de ne pas être sous-estimé, et cette envie de faire ce qu’il lui plaisait de faire, et ce peu importe les mauvaises paroles qui s’empilaient non pas seulement dans le vent, mais plus précisément dans son être tout entier. Ce documentaire parle aussi d’un autre temps, de ces années 60, avec ses festivals différents d’aujourd’hui, une ambiance à fleurs, calme et non pas tendue, qui en ferait rêver plus d’un aujourd’hui, lorsque l’argent n’était pas le plus important, quand la musique prenait la plus grande place. Il est assez dingue de voir, par exemple, comment Joplin peut marquer les esprits rien que de par sa présence craquelée, angoissée au départ puis qui deviendra, comme son ton, plus assurée. Ou l’évolution d’un artiste sur une dizaine d’années, les souffrances liées à l’enfance oubliées, qui peut se permettre de s’envoler, au risque de se brûler face à la surface de ce soleil toujours trop près du sol. Janis, elle, était peut-être trop proche de ses addictions. C’est ce qui la rendait aussi libre, déjantée et incroyable sur scène, parfois… Et cela l’a tuée. On frissonne face à ce documentaire de Berg, une larme passionnelle glissant parfois sur notre visage pour laisser placer à une excitation qui, elle, s’en prend à tout notre corps, ne laissant aucun répit et nous empoignant dans une course folle pour ce que voulait Joplin, et pour ce que souhaitent tous les artistes à venir et d’aujourd’hui : de la reconnaissance. Puis, à un moment, l’amour est là, qui frappe à sa porte. Là voilà sidérée, étonnée de ce qu’il lui arrive, une passion l’a déjà avalée toute crue, alors deux… On la voit s’attacher par tous ses moyens à des personnages, c’est sûrement la partie la moins passionnante de l’oeuvre, mais elle passe, car c’est celle qui fait part du plus de délicatesse possible, et on peut apercevoir bien facilement à quel point elle en avait besoin, peut-être plus que pas mal de personnes, déjà pour continuer dans son travail, mais aussi pour glaner de l’inspiration, si précieuse, et puis pour vivre, plus simplement… Ce documentaire est merveilleux pour tous ceux qui ne connaissent pas encore Joplin, et ce qu’elle a offert à l’art et au monde. Il se trouve être parfois répétitif pour ses fans. Mais l’hommage est là, son timbre de voix nous restera bien longtemps en tête, son caractère déchaîné lorsqu’elle atteint la scène, aussi. Un documentaire puissant sur une perle, qui se trouve être réussi.