Ecrire sur un chef-d’œuvre comme Metropolis est une tâche particulièrement ardue. La simple idée de vouloir retranscrire à travers les mots un visionnage comme cela est d’avance voué à l’échec. Metropolis, c’est un long-métrage qui se vit plus qu’il ne se regarde. Il faut se trouver en son cœur pour prendre pleinement conscience de ce qui se trouve sous nos yeux. Sa virtuosité, son aspect incommensurablement visionnaire… Tout cela serait tout bonnement impossible à décrire avec ces simples mots. Avec des simples mots. C’est tout de même avec entrain que je vous présente l’article ci-présent dans le principal but de vous faire découvrir cette pure merveille du cinéma, si vous ne l’avez toujours pas vu. Par la même occasion, peut-être prendrez-vous conscience que, sans cette œuvre, bon nombre de vos films favoris n’aurait probablement jamais vu le jour… Metropolis a une histoire pleine de hauts et de bas. Des bas devenus hauts par une ascension de haute volée où pourront se trouver une grande majorité de cinéphiles, se demandant toujours à quel point virtuose est le long-métrage de Fritz Lang. Une grande partie de cette histoire se trouvait à la Cinémathèque de Paris l’an passé dans une exposition fascinante et infiniment riche en ressources. Tout d’abord, il y a une anecdote plutôt ironique au sujet de Metropolis, le roman originel de Thea von Harbou – qui deviendra femme puis ex-femme de Fritz Lang et lui apportera même son scénario sur un plateau. Beaucoup de choses dans le film – à commencer par la dystopie directement instaurée – semblent introduire la montée en puissance du nazisme qui, pourtant, aura lieu bien plus tard. On peut ressentir un certain chaos dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres. L’ironie commence lorsque, submergées par ses extrêmes idéaux dont elle ne semblait pourtant pas faire l’apologie dans son œuvre, Von Harbou rejoint les nazis d’assez prêt pour susciter une rupture dans un couple déjà mal en point pour cause d’adultère. Un certain changement de bord pour la scénariste qui finit donc par rejoindre le côté « méchant » dépeint dans son livre. Cependant, il ne faut pas voir en Metropolis une « simple » et unique anticipation des régimes totalitaires mais une avance temporelle sur tout. Strictement tout. C’est dans cette mesure que ce film demeure un des grands piliers du cinéma de science-fiction, avec un scénario à la fois simple et magnifiquement mis en scène. Bien entendu, la (plus) grande qualité de Metropolis réside en l’unique univers créé par ce génie de Fritz Lang. Ingénieux mélange de subterfuges en tous genres où un certain nombre de techniques aussi audacieuses que prodigieuses contribuent à installer une à une les briques de ce monument cinématographique. Images en stop-motion, miroirs vertigineux etc. Des décors de toute beauté qui n’auraient strictement rien à envier à des Blade Runner – aussi géniaux soient-ils – si ce n’est la différence indéniable de techniques entres les décennies. Malgré ces changements radicaux, rien ni personne ne pourrait dire de cette œuvre qu’elle est dépassée ou encore qu’elle vieillit mal, dans la mesure où cela relèverait de la mauvaise fois pure et dure. Metropolis sera à tout jamais un long-métrage d’un modernisme éblouissant. Enfin, le côté expressionnisme allemand est bien entendu aussi travaillé dans les fameux décors que dans le jeu des acteurs. Les principaux personnages sont très consistants et n’ont aucun mal à marquer au fer rouge l’histoire du cinéma, à commencer par la superbe Brigitte Helm, qui livre ici une performance schizophrénique très impressionnante. La figure du scientifique fou, emblème des balbutiements du cinéma horrifique, se trouve exploitée de façon légèrement drolatique de par l’extravagance du look et les manières de l’acteur Rudolf Klein-Rogge. De la même manière, Gustav Fröhlich accentue plus encore les mimiques frêles et innocentes de son personnage que le cinéma muet l’exige. Une outrance parfois comique que l’on retrouvera tout au long du film… Aventurez-vous donc les yeux fermés vers cette version magnifiquement restaurée d’un chef-d’œuvre que l’on pensait perdu à tout jamais. Quelques années de travail auront suffi pour réattribuer à Metropolis sa grandeur originelle et exhiber au monde entier ses incroyables talents. La réalisation de Fritz Lang atteint ici des sommets de virtuosité, quelques années après l’excellent Secret derrière la porte et quelques années avant M le Maudit. Metropolis est une référence évidente dans le cinéma muet. Une merveille esthétique qui n’aura jamais son pareil… Dans « entre les mains et le cerveau, le médiateur doit être le cœur », nous pouvons remarquer trois choses. Fritz Lang est les mains de son œuvre, le cerveau de son œuvre et le cœur de son œuvre.