Film métaphorique d’un point de vue religieux, Mother se révèle être une œuvre à part entière, intense, extrême, et très personnelle, si ce n’est la plus personnelle de Darren Aronofsky. Il est évident que ce thriller aussi étrange qu’intriguant provoquera division voire polémique, ce qui est en soit compréhensible puisque le cinéma d’Aronofsky est un cinéma très particulier, très organique, et peu commun, qui a globalement toujours suscité des réactions vives et partagées. Pour revenir au film en lui-même, Mother est une petite réussite, qui frôle la perfection mais ne l’atteint pas, hélas, principalement à cause d’un scénario plutôt confus et réservé, qui ne parlera pas à tout le monde. Beaucoup de spectateurs ont ou seront sans doute pris au piège par la promotion trompeuse du film qui n’en a dévoilé finalement qu’une petite partie, et qui laissait surtout présager un thriller psychologique voire horrifique, ce que le film n’est pas du tout. Le film est donc totalement construit sur une métaphore biblique. Les références, très nombreuses, ne sont pas toutes évidentes, donnant au film cet aspect confus et pas très clair. L’expérience est étrange, déstabilisante, parfois incompréhensible malgré le sens du film, et l’atmosphère à la fois lugubre et oppressante nous immerge néanmoins de manière efficace dans cette spirale infernale presque suffocante et interminable. Une œuvre osée, risquée, et une expérience cinématographique unique, marquante, qui ne laisse pas indifférent. Si le scénario en lui-même est un peu flou, le reste du film est une franche réussite. Les acteurs sont exceptionnels : Jennifer Lawrence se montre plus que crédible et particulièrement marquante, Javier Bardem l’est tout autant, et Ed Harris et Michelle Pfeiffer rayonnent à l’écran. Le cinéaste nous propose une mise en scène atypique, plutôt originale, avec des cadrages parfois assez larges, et surtout très proches des comédiens. Une mise en scène personnelle, mais loin d’être brillante, qui n’est pas forcément toujours très agréable à suivre. De plus, les quelques effets spéciaux laissent à désirer. Quant à la bande-originale, inexistante, elle est remplacée par des bruitages sonores très stridents, très aigus, plutôt désagréables, irritants, mais qui collent parfaitement bien avec l’ambiance générale du film. Mother est donc un très bon huis-clos, particulièrement anxiogène et étouffant, bien abouti, mais qui souffre d’un scénario confus et trop fermé, ne permettant pas à n’importe qui de le voir sans une certaine connaissance ou culture biblique et religieuse. Le cinéma ne se résume pas à du divertissement. Aujourd’hui malheureusement, dès qu’un auteur propose quelque chose d’original, de créatif, d’osé, de risqué, il en prend plein la tronche, se fait huer, le public étant uniquement focalisé sur la banalité et la pauvreté des blockbusters hollywoodiens qui s’accumulent et ne font que se ressembler. Mother est une de ses rares exceptions annuelles produites par des studios hollywoodiens, et ça fait du bien de voir un réalisateur qui essaye de proposer quelque chose d’osé, d’original, de neuf, pas forcément à la portée et/ou à l’intérêt de tous, mais qui essaye de faire vivre une expérience, de montrer autre chose, d’autres aspects du cinéma, qui n’essaye pas uniquement de divertir mais bel et bien de poser des questions existentielles sur la vie, la mort, l’humanité, le monde, la nature. Je recommande donc Mother, pour son audace et son originalité, malgré des défauts majeurs, avec pour avertissement que ce film demande concentration, réflexion et connaissances.