D’entrée une phrase de D.H. Lawrence annonce la couleur : « L’américain a, par essence, une âme rude, solitaire, stoïque, une âme de tueur. Il l’a toujours ». Le grand mérite d’ « Hostiles » réside dans son réalisme historique et sa volonté d’éviter tout prêchi-prêcha moral. Les comanches sont montrés tels qu’ils furent : des pillards assoiffés de sang, craints par tous (même par les apaches qui ne craignaient pas grand monde) et cela longtemps avant l’arrivée des colons et de l’US cavalery. Dans le film, ils représentent donc l’élément fantastique et horrifique de la première partie. Ils servent également de révélateur des destins aussi antagonistes que sanglants des trois personnages du film : le capitaine Blocker qui en a vu d’autres, le grand chef de guerre Chef Yellow Hawk mourant et Rosalee Quaid, veuve désespérée qui pense rejoindre les siens dans l’au delà en mettant fin à ses jours. Mais ils sont aussi le catalyseur d’une reconstruction psychologique souvent hésitante, parfois douloureuse avec l’ambigüité des hésitations. L’aboutissement se trouve dans une fin sublime avec un long plan sur le visage de Blocker dont Christian Bale parvient à exprimer toutes les contradictions sentimentales et psychologiques dans l’abime historique du déroulé de sa vie. Avec une sobriété qui frise le génie, prouvant, s’il en était besoin, son immense talent d’acteur. Grâce à un sens de la respiration et un script très travaillé, les 134 minutes du film n’offrent aucune longueur, alternant les scènes d’action, de réflexion ou de contemplation. Chaque péripétie est un symbole de plus, avec des groupes représentatifs des communautés en se concentrant sur le choc de deux civilisations. Celle des Cheyennes et leur vie naturelle face aux colons et l’appât du gain, qu’il s’agisse de trappeurs où de propriétaires d’une terre volée qu’ils comptent conserver en appliquant la loi du plus fort. Magnifiquement mise en image par Masanobu Takayanagi (on se croirait chez John Ford par moment), et soutenu par une musique pertinente de Max Richter, cette démonstration sociétale, à la fois sensible et cérébrale, serait presque parfaite. Mais elle est inutilement alourdie par le personnage de Wilkins et l’inévitable mauvaise conscience liée au racisme. Lourdingue et inutile, faisant ainsi passer Scott Cooper tout près d’un chef d’œuvre. A noter que la plupart des critiques placent le film sur le plan politique, donc critique et projectif, alors qu’il traite du sociétal, sous forme d’un constat nettement déplaisant. D’où une interprétation d’anti Trump de la part des critiques, alors que le manuscrit fut rédigé au début du premier mandat d’Obama.