Il y a au cœur du film des personnages auxquels on s'attache, des émotions réelles, une fluidité narrative impressionnante et surtout, un soin accordé à la mise en scène qui laisse pantois. Au niveau de la direction artistique, on trouve tout simplement un exploit ahurissant, c'est le costume de l'Amphibien. Si son design est calqué sur celui du classique du genre «L'étrange créature du lac noir», le rendu est tout de même tout autre. Dépourvu d'effets numériques (à part les yeux), il s'agit sans aucun doute d'une création qui marquera la profession. Bourré de détails, suintant, ruisselant, le costume est à la fois organique, viscéral, surprenant, imposant, visuellement magnifique et surtout, il apparaît comme crédible à l'écran, là où tant de films de super-héros ont recours au numérique ou bien nous présentent des costumes dignes de cosplayers aveugles. Un soin visible à l'écran, qui rend le tout encore plus bluffant, et qui se révèle tellement brillant que le travail de l'équipe n'a même pas été récompensé par une nomination aux Oscars pour le département maquillage ! Par contre, les lumières sont belles à tomber, les cadres sont soignés, les mouvements de caméra subtils se multiplient, on retrouve beaucoup d'idées visuelles intéressantes (les gouttes d'eau sur la vitre du bus, les doigts de Michael Shannon qui pourrissent au fur et à mesure qu'il devient incontrôlable, les scènes sous-marines) et Del Toro nous livre un film tellement dense qu'il se permet de mixer harmonieusement différents genres : film d'espionnage, romance, comédie musicale, satire, film de monstre et film fantastique. Bien sûr, il y a des accusations de plagiat qui arrivent de toute part pour descendre le film mais cela s'explique déjà par les multiples influences à la base de l'oeuvre, et un rendu qui fait qu'on a déjà tout vu ailleurs, aussi bien visuellement que dans les thématiques, mais que, malgré tout, on avait jamais vu ça. C'est simple, le film ose, émerveille, nourrit notre imaginaire et nos cœurs, avant de nous laisser littéralement KO sur notre fauteuil. Un rollercoaster d'émotions, de pics de tension, de plans d'une poésie folle qui s'enchaînent avec des purs plans de films d'horreur ou gothique. Un brio absolu de la première à la dernière image. Comme d'habitude, Del Toro ne fait appel à aucune grosse star, mais il y a pour chacun des rôles principaux des brutasses du jeu. En héroïne, Sally Hawkins était le seul et unique choix du réalisateur. Voulant une femme belle mais pas glamour, il parvient à faire de l'actrice une héroïne romantique absolue, l'actrice se démarquant aussi par de belles muettes qu'elle rend intense et magnétique par la seule force de son regard et de ses gestes (voir une sublime scène de confrontation face au personnage de Michael Shannon, un moment ultra-badass qui restera dans l'histoire du genre). En méchant, il y a donc Michael Shannon. Encore une fois, l'acteur est parfaitement à son aise dans ce genre de rôles, donnant corps à un salaud définitif, qui ne bénéficie guère de quelques nuances, mais qu'il campe avec autorité. Les 2nds rôles sont également parfaits avec un Richard Jenkins parfait (remplaçant la 1ère option de Del Toro, à savoir Ian McKellen), une Octovia Spencer magnifique et digne, un Michael Stulhbarg étourdissant et terriblement attachant sans oublier le fidèle Doug Jones, encore une fois parfait dans un rôle en costumes. Son jeu ne reposant que le physique s'impose comme une véritable référence du genre, parvenant parfaitement à retranscrire ses émotions malgré les artifices qui le recouvrent. Un film puissant, d'une grande force émotionnelle, beau, prenant, étourdissant de facilité (alors que ce ne l'est pas, sinon, on en verrait plus souvent), qui démontre encore une fois que l'amour que porte Del Toro à ses monstres est d'une sincérité qui force le respect. Un grand film à voir. D'autres critiques sur thisismymovies.over-blog.com