En misant sur les contrastes et les symboles, Guillermo Del Toro réalise un film fort et beau, sorte de pamphlet pour s'évader des horreurs du monde (le film se déroule certes en 1962 mais il résonne quand même avec notre époque). Déjà, le titre "The Shape of Water" a une signification limpide
(la forme rappelle la présence des gens qu'on aime; l'eau incarne le bien-être et l'apaisement)
et douce en totale opposition avec la haine du contexte général d'espionnage en pleine guerre Froide
(la bête torturée est une métaphore de cela, l'amour fonctionne mieux que la violence, quand la créature est blessée elle mord Richard, quand elle est respectée elle soigne et donne des cheveux à Giles)
. Sur la forme, on retrouve cette dualité entre l'aspect conte
(le film emprunte au Chaperon Rouge (la couleur rouge du manteau et la nourriture), à Cendrillon (la chaussure perdue dans l'eau), à Amélie Poulain (la musique, la télé, la tarte, Elisa muette, le cinéma, l'époque ancienne), à ET (la créature qui découvre la vie humaine) ou encore à la Belle et la Bête (la belle femme muette et la créature étrange, les films télé sur l'acceptation))
et un univers ultra-violent
(centre spatial froid, haine de l'homosexualité (au restaurant), le pointage, le ménage des toilettes dégueulasses, le boss macho (sexe dominateur, théorie risible du lavage de mains (soit avant soit après mais pas les 2), aux toilettes avec les femmes), la taupe russe (Dimitri), la créature qu'on veut ouvrir, les russes qui ne veulent pas apprendre mais empêcher les autres de le faire = mutuelle destruction)
. Sur le fond, c'est aussi l'opposition entre la vie, par l'intermédiaire de séquences magnifiques
(communication à travers le langage des signes, la musique, la danse, l'oeuf pour manger; les bains seul et ensemble, le sexe dans l'eau; la comédie musicale et la fin sur l'amour)
, et le matérialisme
(le forage pétrolier, la créature qui doit servir à contrecarrer le programme spatial russe, la voiture rutilante, le fait qu'elle soit abîmée lors de l'évasion a une forte richesse symbolique)
. Autour de cela, Del Toro orchestre l'espoir, répondant à la rage finale
(Elisa tuée)
par quelques touches d'humour réussies
(l'amie de la muette, le sel, la conduite aléatoire de l'homme, le SALE CON)
et des éléments significatifs
(le méchant méprise tant les autres, qu'il ne soupçonne pas leur intelligence (il croit que c'est un groupe de 10 personnes qui a fait le coup) et il le paye en mourant; la créature est hybride air-eau, une manière d'illustrer la tolérance et la mixité)
. Si j'avais quelques bémols à signaler, je dirais que malgré une réalisation excellente de Guillermo Del Toro, le démarrage est un poil long, et que le méchant manque de nuances
(le scénario évoque le fait qu'il subisse la pression d'être un homme qui doit toujours faire ses preuves mais c'est un peu rapide comme explication, la taupe Dimitri est mieux nuancée, entre son devoir d'espion et son amour pour la science)
. Côté casting, Sally Hawkins est géniale et pétillante, Octavia Spencer est hilarante
(la bête torturée est une métaphore de cela, l'amour fonctionne mieux que la violence, quand la créature est blessée elle mord Richard, quand elle est respectée elle soigne et donne des cheveux à Giles)
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, Michael Shannon est impeccable et Doug Jones parvient à retranscrire de nombreuses émotions dans le costume de la créature, très bien faite. Au final, "The Shape of Water" est une oeuvre somptueuse, symbolique, référencée, bien interprétée, juste sur sa vision de notre monde actuel et pleine d'espoir par ses messages sur ce que l'homme et la nature peuvent créer de plus beau.