Mis à part les spectateurs de l’édition 2013 du Festival des 3 continents qui avaient pu voir "Bending the rules", le deuxième long métrage de Behnam Behzadi, film auquel ils avaient accordé le Prix du public, les cinéphiles français n’avaient eu jusqu’à présent qu’une occasion de « rencontrer » ce réalisateur iranien de 45 ans. C’était en 2007, pour le film "Half Moon" de Behnam Behzadi dont Behnam Behzadi était le coscénariste. "Un vent de liberté", son 3ème long métrage en tant que réalisateur, faisait partie de la sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes 2016 et Diaphana Distribution a la bonne idée de le sortir en salles.
Comme c’est le cas dans la plupart des grandes villes de la planète, Téhéran est une ville très polluée et qui le devient encore plus quand intervient un phénomène d’inversion de température. Que peut faire une fratrie de 2 sœurs et d’un frère lorsque le corps médical leur annonce que, dans ces conditions, Mahin, leur mère, touchée par des problèmes pulmonaires, doit impérativement quitter la capitale, sinon, « c’est la mort » ? Très simple : décider que cette vieille femme doit aller vivre dans la maison que possède la famille dans le nord du pays. Sauf qu’il est hors de question de la laisser partir seule. Mais alors, qui pour l’accompagner ? Qui pour quitter ses habitudes, son travail, ses amis ? Bien entendu, aussi bien Homa, la sœur aînée, que Farhad, le frère, adorent leur mère tout autant que Niloufar, la petite dernière avec ses 35 ans, celle qui, depuis longtemps, prend soin de Mahin. Bien entendu, mais … pour Homa et Farhad, la décision est prise : c’est Niloufar, forcément, qui va tout quitter et accompagner Mahin. Certes, c’est elle qui, à Téhéran, a la charge de l’atelier de confection familial. Elle se sent donc responsable de la poignée d’ouvrières qui y travaillent, mais elle n’a pas d’enfant, elle n’est même pas mariée et, pour Homa et Farhad, plus âgés qu’elle, elle doit se comporter, elle va se comporter, comme d’habitude, tel un pion qu’on peut déplacer sans lui demander son avis ! Sauf que, cette fois ci, un vent de liberté se met à souffler et la docilité n’est plus de mise.
Dans "Un vent de liberté", il est très vite évident que Behnam Behzadi et Hassan Shahsavari, les deux scénaristes, ont choisi la subtilité plutôt que la représentation lourdingue d’un conflit familial. En effet, ce qu’on exige cette fois-ci de Niloufar ne représente pas, pour elle, un drame absolu et on sent parfois qu’elle aurait presque pu proposer elle-même, dès le début, d’accompagner sa mère hors de la pollution de Téhéran. Ce qu’elle n’apprécie pas, et on la comprend, c’est la façon brutale qu’ont son odieux de frère et sa sœur de décider pour elle. Et si c’était les seuls ! Non, il y a aussi Soheil, l’homme qu’elle aime, qui s’avère n’avoir jamais osé lui dire qu’il avait la garde d’un fils de 10 ans né d’une première union : là aussi, Niloufar a la nette impression qu’on veut lui forcer la main ! Quant à la façon choisie par Niloufar pour prendre son destin en main, pour inverser ce rapport de force avec Homar et Farhad, là aussi la finesse est de mise. A tel point que les discussions entre spectateurs risquent d’être animés entre celles et ceux qui sortiront convaincus que Niloufar a vraiment pris son destin en main et les autres, convaincus du contraire !
Il est loin le temps où les réalisateurs iraniens étaient contraints de filmer des enfants pour parler de leur pays et du monde des adultes. Troisième long métrage de Behnam Behzadi, "Un vent de liberté" nous permet de faire connaissance avec un réalisateur de grand talent qui, avec l’aide d’une distribution très solide, sait apporter beaucoup de finesse dans sa dénonciation de la condition féminine dans son pays.