The Souvenir - Part II : les secrets du tournage

Le film a été présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2021.

Comme son titre l’indique, The Souvenir – Part II est la suite de The Souvenir – Part I. Dès le départ, Joanna Hogg avait pour projet de faire une suite, bien que ce soit une pratique inhabituelle pour un film d’auteur.

Bien qu’elle savait qu’elle voulait faire une suite, Joanna Hogg en ignorait le dénouement : « J’avais écrit les deux chapitres en même temps et j’avais l’intention de les tourner en même temps mais ça ne s’est pas passé comme ça. Du coup, j’ai réécrit le deuxième volet juste avant de le tourner. C’était un peu déroutant de s’atteler à la seconde partie sans vraiment savoir ce que je pensais de la première. Mais, comme avec tous mes films, mon travail de cinéaste s’inscrit dans un processus évolutif. »

Fidèle à son approche, elle a écrit peu de dialogues pour privilégier l’improvisation. Elle n’a pas non plus fait de découpage. En revanche, elle a mis au point une feuille de route proche d’un traitement, regorgeant de descriptions précises, et complété par une documentation très riche, et souvent personnelle : albums de musique, reproductions d’œuvres d’art, films, livres, photos, et même journaux intimes et notes de psychothérapeutes.

Au final, faire deux tournages distincts a été bénéfique : « L’idée que Julie allait consacrer son film de fin d’études à Anthony était présente dès les premières versions, mais pas franchement incarnée. Ce n’est que bien plus tard que le projet de Julie s’est affiné : le spectateur ressent intimement non seulement la création de Julie, mais aussi ses rêves – et le paysage onirique s’est construit tout au long du tournage ».

The Souvenir – Part II suit la reconstruction de son héroïne, après les épreuves qu’elle a traversées dans le premier volet. Le film quitte le quotidien de Julie pour explorer son imaginaire ainsi que l’univers foisonnant du cinéma. Pour la production, il s’agissait d’un tournage de plus grande ampleur, comme en témoigne Joanna Hogg : « Il a fallu qu’on passe à la vitesse supérieure et qu’on travaille tout à fait différemment pour ce deuxième volet. Le département artistique, notamment, avait la tâche de créer des décors stylisés, mais en très peu de temps. Et pourtant, on ressentait une bien plus grande fluidité que sur le premier opus. Malgré tous les défis techniques, chacun semblait heureux de pouvoir laisser libre cours à son invention et à ses intuitions ».

Le film a été tourné en numérique 16 mm et en argentique 16 mm, en numérique et argentique 35 mm, ainsi que dans d’autres formats comme le Hi8. On y voit même des images d’archives filmées par Joanna Hogg en Super 8.

The Souvenir - Part II est une relecture du premier film à travers le prisme du cinéma. « J’ai pris beaucoup de plaisir à réinventer, à ma manière, une diversité de genres cinématographiques. C’était une formidable occasion de remonter à mes sources d’inspiration premières et de livrer une nouvelle interprétation des idées et des influences qui m’obsédaient dans les années 80 », raconte la réalisatrice.

En suivant le personnage de Julie dans ses études de cinéma à l’école – fictive – de Raynham, Joanna Hogg retrace son propre parcours dans un milieu quasiment exclusivement masculin : « J’étais extrêmement introvertie pendant mes études, et devenir metteur en scène aurait pu sembler le dernier choix à faire pour quelqu’un comme moi. Mais je savais précisément où je voulais aller, si bien que j’ai réussi à faire abstraction de tous ceux – des hommes en général – qui me disaient ‘on ne peut pas faire un film comme ça’ ou ‘on ne peut pas faire un film sans dialogues’. »

The Souvenir – Part II est construit sur une mise en abîme : Joanna Hogg filme Honor Swinton Byrne qui, dans le rôle de Julie, est sur le plateau aux côtés de ses partenaires qui campent eux-mêmes des acteurs, et d’autres interprétant des acteurs qui jouent les rôles de techniciens.

On peut aussi y voir les films de fin d'études des autres étudiants. Le premier est un thriller de science-fiction qui se réclame de Diva de Jean-Jacques Beineix et s’inscrit dans une esthétique des années 80 mêlant haute couture, fatalisme punk et spectacle pop. Le second est une comédie musicale d’époque à grand spectacle : « J’ai toujours été emballée par les comédies musicales, et c’était donc l’occasion de m’y aventurer ».

Plus présent que dans le premier volet, le rôle du père de Julie est interprété par un agriculteur de Norfolk, James Spencer Ashworth, qui n’avait jamais joué de sa vie. Pour le casting, il a envoyé une vidéo de son audition filmée par sa femme.