Incroyable mais vrai : je n'avais toujours pas vu « Un tramway nommé Désir ». Pourtant, Elia Kazan, Tennesse Williams, Vivien Leigh, Marlon Brando... Les voyants étaient a priori tous au vert pour que j'en ressorte ravi. Seulement, cela n'a pas été le cas, loin s'en faut. J'en suis même au point de penser que j'avais retardé inconsciemment son visionnage pour cette raison. Car j'ai beau retourner le problème dans tous les sens : je n'ai pas aimé ce film. Je ne l'ai pas détesté non plus. Aussi théâtrale soit-elle, la mise en scène de Kazan (renforcée par l'intense photographie d'Harry Stradling) fait preuve d'une certaine force, amenant quelques scènes et situations intéressantes, l'écriture de Williams étant suffisamment talentueuse pour poser un cadre,une ambiance auxquels on ne peut être indifférent, et je peux comprendre que le personnage comme la prestation de Vivien Leigh restent aujourd'hui importants dans le monde du théâtre. Seulement, vraiment difficile de sortir de là séduit tant la dimension outrée est omniprésente, le relationnel entre les personnages évoluant peu, voire crispant. Passe encore celui entre les deux sœurs, faisant preuve d'une ambiguïté intéressante. Idem pour celle entre Blanche et Harold, leur soirée commune étant sans doute même la meilleure scène à mon sens, presque sensible. D'ailleurs, peut-être aurais-je pu adhérer un peu au résultat s'il n'y avait pas l'énorme problème Brando. Que ce rôle l'ait projeté comme icône du cinéma américain me laisse pour le moins perplexe. Non seulement l'acteur pousse la méthode Actors Studio à son paroxysme, mais en plus rend son Stanley Kowalski presque totalement détestable, alors que le mec est, à la base, déjà une ordure. Pourtant, il y avait de quoi le rendre plus complexe : on s'en aperçoit à travers des bribes de dialogues, la présence de plus en plus insupportable de Blanche dans l'appartement, mais c'est beaucoup trop peu. Idem concernant le propos sur les femmes battues enfermées dans une logique presque auto-destructrices dont elles seraient incapables de sortir : c'était sans doute méga-audacieux à l'époque, en 2019, c'est plus gênant qu'autre chose. Reste une musique pas mal, la présence de Kim Hunter et Karl Malden pour un semblant d'identification aux protagonistes, m'enfin... Je suis sorti de la salle exsangue, non sans quelques questions dans la tête mais surtout quasiment sans avoir pris le moindre plaisir pendant deux heures et limite désabusé par cette adaptation de l'un des plus grands classiques théâtraux américains : une fois n'est pas coutume, le cinéma n'était peut-être pas le meilleur média pour transposer la plus célèbre pièce de l'auteur...