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Maqroll
150 abonnés
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4,0
Publiée le 14 mai 2012
Comme dans Five Easy Pieces du même auteur, on retrouve ici cette atmosphère décolorée et fataliste qui semble peser sur les personnages et leur faire endosser un costume de résignation forcée devant les inévitables embûches de la vie. Comme dans Five Easy Pieces également, le thème central est ici encore la famille et ses déchirements subjectifs devant l’impossibilité de joindre l’idéal et le réel. Comme dans Five Easy Pieces enfin, c’est Jack Nicholson qui joue, avec un talent et une sobriété qu’il n’aura pas toujours dans la suite de sa carrière, le rôle principal. Il manque cependant à ce film pour être au niveau du précédent (tourné deux ans auparavant) cette grâce aérienne qui flottait sur le premier et peut-être aussi un scénario un peu plus élaboré. Mais on peut tout de même s’intéresser de près à cette histoire de deux frères, aussi différents que possible l’un de l’autre, qui veulent monter un paradis dans une île hawaiienne… Les passions vont émerger peu à peu, chargées d’histoire, d’imaginaire et d’inceste, jusqu’au dénouement final, brutal et sans appel. Une œuvre forte, toujours dans la lignée du cinéma indépendant, qui connote une certaine Amérique.
Bob Rafelson et Jack Nicholson se sont affirmés comme des icônes du Nouvel Hollywood après l’accueil fulgurant reçu en 1969 par « Easy Rider », le joyau de la contre-culture américaine, dont Rafelson était le producteur et Nicholson un des acteurs principaux. Se rejoignant dans une communauté de pensée, les deux hommes collaborèrent sur « Head » le premier film de Rafelson en qualité de réalisateur, Nicholson participant à l’écriture du scénario. Ensuite ce fut « Five easy Pieces » qui lui aussi accéda au statut de film culte. Sur une si bonne lancée les deux hommes récidiveront quatre fois. « The king of marvin garden » dont il faut décrypter le titre est sans doute leur film commun le plus désenchanté. Marvin Gardens est l' un des quartiers chics de la banlieue d’Atlantic City mais aussi une des cases de la version originale américaine du Monopoly (la case jaune, rue Lafayette dans la version française, située juste avant la case prison). Le king de Marvin Garden c’est Jason (Bruce Dern) le grand frère de David (Jack Nicholson) que ce dernier retrouve justement dans une prison d’Atlantic City suite à une de ses nombreuses arnaques. Deux frères autrefois rassemblés sous le toit familial quand David faisait des blagues à son grand-père en cachant des arêtes de poisson dans de la mie de pain pour rire avec Jason en l’entendant s’étouffer. Ce souvenir d’enfance raconté longuement par David sur le ton de la confession psychanalytique, constitue l’entame du film et brosse d’emblée la relation de David avec son grand frère quand il explique comment celui-ci a su le rassurer après qu’il ait cru avoir tué son grand-père. C’est en réalité à la radio que régulièrement David raconte ses souvenirs romancés pour une émission philosophique tardive et confidentielle. Le retour de David chez lui où il retrouve son grand-père bien vivant nous montre un homme dont la vie semble s’être figée dans la période de l’enfance où il vivait dans l’admiration de son grand frère protecteur. Quand Jason lui demande de rappliquer, David un peu à la dérive sortant d’une grave dépression y voit l’occasion de renouer des liens distendus. La découverte de Jason dans sa prison où il invective ses voisins de cellule précise la relation de dépendance de David vis-à-vis d’un aîné fantasque et envahissant qui a certainement nui à son développement. Le projet d’ouvrir un casino sur une île proche d’Honolulu aussi farfelu et improbable qu’il soit va permettre aux deux frères de rêver encore un peu à leurs chimères d’enfants quand ils croyaient au jeu de Monopoly acheter le monde entier. Ce n’est d’ailleurs par innocemment que Rafelson nous gratifie d’une scène où dans leur chambre d’hôtel, Jason et David sont penchés sur une carte à la recherche de cette fameuse île qu’ils n’arriveront d’ailleurs pas à trouver. Chercher à remonter le temps est une opération vaine. A travers ce portrait désabusé de deux frères aux caractères dissemblables mais si étroitement liés par les manques que chacun comble chez l’autre, une part de rêve pour David et un public complaisant pour Jason, Rafelson poursuit son observation des paradoxes de la société américaine qu’il place ici symboliquement dans la capitale du jeu de la côte Est. La soif d’entreprendre doublée d’un optimisme un peu naïf d’un côté et la désillusion née de l’effondrement du rêve hippie de l’autre qui avait un temps laissé croire à l’émergence de nouvelles valeurs. Dans un Atlantic City vidé de ses estivants, les deux hommes accompagnés des deux maîtresses de Jason (la mère et la fille) vont un temps se mentir pour prolonger un peu leurs retrouvailles révélatrices du navrant constat de leurs échecs individuels jusqu’à ce la duperie permanente de Jason y compris vis-à-vis des femmes le mène au drame. Rafelson qui n’a pas choisi comme souvent de s’abriter derrière une intrigue solide lui servant de fil rouge, se tient au plus près de ses personnages dont il explore avec sa caméra jamais voyeuse les fêlures intimes. « The king of marvin gardens » est avant tout un film sur la blessure jamais refermée pour certains de l’enfance envolée. Le film se conclut comme il avait commencé avec le retour de David chez son grand père regardant les images d’un film super 8 montrant les deux frères enfants jouant sur la plage. On fait difficilement plus émouvant comme conclusion pour un grand film d’un réalisateur malheureusement trop rare.
Ereintant, lassant, fatiguant, pour ne pas dire tout simplement chiant. The King of Marvin Gardens (1972) est un drame social pseudo "auteurisant" se déroulant intégralement à Atlantic City, une station balnéaire qui, en hiver nous apparaît déshumanisée, glauque et où l'atmosphère y est sinistre. Autant vous dire qu’avec des personnages hystériques et d’autres qui tergiversent pour ne rien dire, on a vite fait de s’y ennuyer fermement. Bob Rafelson & Jack Nicholson avaient déjà travaillé ensemble avec Cinq pièces faciles (1971), à nouveau réunit ici, ce film complexe et au scénario confus est à réserver à un public avertit.
Le cinéma de Bob Rafelson est rare et exigeant. On ne regarde pas un de ses films par dessus la jambe, il faut s'y plonger, être attentif et surveiller tout ce qui se passe à l'écran pour lire entre les lignes. Encore plus que "Cinq pièces faciles", "The King of Marvin Gardens" force l'attention et le respect. On y suit David Staebler, animateur de radio qui sort de sa torpeur habituelle pour retrouver son grand frère Jason à Atlantic City. Celui-ci, vivant avec sa maîtresse et sa belle-fille et travaillant pour un caïd local, rêve de transformer une petite île près d'Hawaï en cité de jeux. Les deux hommes vont alors aller à la poursuite de cette chimère et le film va donc nous offrir son lot de scènes surréalistes au sein d'une Atlantic City complètement dépeuplée. Décortiquant les rapports fraternels, Rafelson aime à jouer sur les ruptures et son enchaînement de scènes qui nous poussent à nous concentrer pour saisir tous les rapports entre les personnages. Beau film mélancolique sur la tragédie de deux frères qui s'aiment, "The King of Marvin Gardens" ne manque pas de beaux moments (en témoigne le premier plan, long monologue de Jack Nicholson sur son frère, son grand-père et lui) et permet surtout aux acteurs de déployer plusieurs facettes de leur talent : Nicholson surprend en frère introverti et posé tandis que Bruce Dern livre une prestation habitée en tête brûlée bourrée d'énergie et de contradictions. S'il sera difficile de saisir toutes les nuances du film dès sa première vision, il ne manque certainement pas de charme et livre un message émouvant sur les conflits de famille.
Ambiance dépressive, personnages flottants, récit qui s’effiloche : ce « King of Marvin Gardens » ne cherche décidément pas à séduire. Il possède pourtant une petite musique entêtante, pour peu qu’on s’y attarde. Le film est marqué par la fin des illusions, qu’elles soient sociétales, familiales ou individuelles. Le mensonge semble être la seule issue possible (reconstituer une cellule familiale autour d’un rêve impossible, vivre une utopie libertaire qui vire à l’amertume et au tragique, se détacher des contingences matérielles en fuyant le réel), même si on n’y croit plus vraiment. Et les personnages de se retrouver démunis et seuls face à ces lambeaux de rêves.