Les Méchants : les secrets du tournage

Le film fait partie de la Sélection Officielle de l'Alpe d'Huez 2021.

C’est suite aux attentats du 13 novembre 2015 que Mouloud Achour a eu la première idée des Méchants. Il habitait alors à côté du Bataclan, rue Jean-Pierre Timbaud, et les locaux de son émission Clique, sur Canal+, étaient proches des bureaux de Charlie Hebdo. « Entre le 7 janvier et le 13 novembre 2015, dans cette période extrêmement sombre, le seul truc qui me faisait encore un peu rire, c’était d’observer la rue Jean Pierre Timbaud. Une rue qui commence dans le Marais branché et finit en haut par une mosquée, où souvent, les barbus du haut de la rue avaient les mêmes looks que les barbus du bas de la rue qui sortaient de la fashion week. Là, j’ai commencé à me dire « Et si deux barbus hipsters étaient pris pour des terroristes ? » L’idée des fermes à clics et tout le méta discours sur le spectacle, la musique, la culture, est alors née. J’avais envie de me demander comment on cristallise cette époque où, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le problème n’est pas que les valeurs sont inversées, mais que tout le monde est devenu le méchant de quelqu’un ».

Les Méchants est le premier long-métrage de fiction de Mouloud Achour et Dominique Baumard. Ce dernier avait déjà réalisé auparavant plusieurs courts et un documentaire. Il a rencontré Mouloud Achour par le biais de Toufik Ayadi et Christophe Barral, qui avaient produit ses courts ainsi que Roulez jeunesse, qu’il avait coécrit. Il raconte : « A la base, les comédies, c’est pas trop mon truc, mais j’ai vraiment été séduit par la sincérité du projet. Lors de notre première rencontre, avec Mouloud, on a parlé cinéma tout de suite et on s’est mis à travailler direct. On n’a pas essayé d’écrire des blagues, on a juste laissé les personnages s’exprimer sincèrement. On se répétait sans cesse qu’on ne voulait pas faire de parodie. »

Mouloud Achour souligne avoir fait un film sincère et sans calcul : « Pour créer les personnages de Patrick et Sébastien, on a regardé des Youtubeurs, des mecs authentiques qui prennent leur pied à faire des lives de 4 heures sur Dragon Ball en cumulant 300 vues. Le film est très premier degré. Tous les films que j’aime sont premier degré, que ce soient des comédies, des films d’action, des dramas ou même Citizen Kane ! Patrick incarne le héros pur. Jacques Villeret dans Le Dîner de cons ou La Soupe aux choux, c’était ça. ».

Parmi les références qu’avaient en tête Mouloud Achour et Dominique Baumard, on peut citer Chute libre, Get Shorty, Reservoir Dogs, Network, Die Hard, Clerks et Hamburger Film Sandwich. « On a puisé pas mal d’idées de plans dedans, mais ce sont plus des marqueurs d’enfance qu’autre chose », raconte Mouloud Achour. Il cite également l’influence de Takeshi Kitano : « Kitano est un cinéaste dont le parcours me parle. Il y a une vraie dichotomie entre ce qu’il a fait à la télé et ce qu’il a raconté au cinéma. Kids Return, cette histoire de deux potes qui traversent un truc impossible est une inspiration pour Patrick et Sébastien ».

Mouloud Achour tenait à montrer que la banlieue est multiple et qu’elle n’est pas condamnée à la victimisation : « Il y a une posture condescendante que je n’aime pas dans certains cinéma, c’est celle qui consiste à faire croire aux jeunes des quartiers que l’art les sauvera. C’est faux. En banlieue, il y a plus de Patrick que d’illettrés qui vont être sauvés en lisant Corneille. [...] l’ennemi des jeunes, ce n’est pas la police mais la misère. »

Les deux rôles principaux des Méchants sont tenus par Roman Frayssinet et Djimo, deux humoristes qui ont été chroniqueurs dans Clique, l’émission de Mouloud Achour sur Canal+. Ludivine Sagnier est elle aussi une proche d’Achour puisqu’elle est la compagne de Kim Chapiron, qui a créé le collectif Kourtrajmé, dans lequel a débuté le co-réalisateur des Méchants. Il rappelle que l'ambiance était toutefois sérieuse sur le plateau : « quand on bosse ensemble, on met un point d’honneur à assurer. Notre amitié demande de l’exigence. On est tous dans une sorte de compétition où on se tire vers le haut. »