Désordres : les secrets du tournage

Cyril Schäublin avait pour idée de faire un film sur une horlogerie lorsqu'il était encore étudiant à Berlin. Le cinéaste avait déjà rencontré des parents qui avaient travaillé dans ce secteur afin de collecter leurs expériences : "Mon travail a aussi été très influencé par La Condition ouvrière, l’ouvrage de la philosophe anarchiste Simone Weil, dans lequel elle décrit ce qu’a été son expérience dans une aciérie."

"Je me suis intéressé à la vie quotidienne dans une horlogerie, à la façon dont cette activité pouvait façonner la perception que les travailleurs pouvaient avoir du temps. Simon Weil parle de la cadence comme d’une force exercée sur les ouvriers pour emplir leur tâches répétitives dans un temps imparti qui ne leur laisse généralement pas la possibilité de travailler à leur propre rythme", se rappelle-t-il.

Le titre original du film, Unrueh, désigne, en suisse allemand, le balancier qui se trouve au cœur de la mécanique d’horlogerie. "Cette pièce était essentiellement produite par des femmes dont ma propre grand-mère et mes grandes-tantes qui travaillaient dans une usine dans le nord-ouest de la Suisse. En leur parlant, pour mes recherches, elles m’ont dit que leurs grands-mères aussi travaillaient déjà à la confection de ces balanciers", confie Cyril Schäublin.

Cyril Schäublin a fait le choix de travailler avec des acteurs non-professionnels. Le réalisateur a même fait appel à des gens liés à l’horlogerie contemporaine mais aussi à des personnes que l'on croise tous les jours, comme des routiers, des rappeurs, d’anciens détenus, des architectes, des universitaires ou encore des charpentiers :

"Peut-être espérais-je que grâce à ce choix j’arriverais à reproduire un langage du passé qui n’aurait pas l’air “historique”. Ce qui m’intéressait c’était un langage du quotidien, qui serait parlé par les personnages, un langage commun qu’on peut imaginer avoir existé et avoir été marginalisé à l’époque comme il pourrait l’être aujourd’hui."

L’intégralité du film a été tournée au nord du canton de Berne, aux alentours et dans la vallée de Saint-Imier, là où le premier congrès de l’Internationale Anarchiste a eu lieu, en 1971. "Nous avons travaillé avec une petite équipe à l’image, uniquement en lumière naturelle. Le défi de ce projet tenait essentiellement à l’exactitude historique des lieux et des costumes, en particulier pour les nombreux figurants", confie Cyril Schäublin.