Les Âmes sœurs : les secrets du tournage

Les Âmes Sœurs se déroule au Mali et en France. André Téchiné explique : "J’ai sans doute besoin de ces deux éléments éloignés pour pouvoir me lancer, pour faire le grand écart. Là, c’est le Mali d’un côté, à l’époque où l’armée française était bien accueillie par la population. Et puis de l’autre, c’est le retour au pays natal, l’Ariège. Mais le film est aussi intemporel : c’est la forêt avec ses esprits, le manoir hanté comme un château des Carpates, ce sont les montagnes avec leurs grottes..."

"Le film est à la fois dans la réalité du paysage et décroché de cette réalité, naturel et surnaturel. Et puis au cœur de tout ça, il y a un frère et une sœur enchaînés dans une relation fusionnelle. Le film raconte le développement et la remise en cause de cette relation."

La relation frère-sœur a été la première base du film. Toutefois, ce qui a guidé André Téchiné dans l'écriture résidait dans la thématique d'une certaine tension vers la vie : "Par rapport aux événements du Mali, et par rapport au confinement qui marquait ce projet, il ne s’agissait pas seulement de s’évader mais plutôt de guérir, voire de « ressusciter »."

"Dans le film, il y a cette tension vers la vie avec différentes menaces de mort avec lesquelles les personnages doivent batailler pour rester debout coûte que coûte. C’est un film sur la coriacité, sur le soin qui conditionne la vitalité. Jeanne, la sœur, dit à un moment à l’hôpital des Invalides en parlant de son frère, « David ne veut pas mourir »."

"Le film est traversé par ce fantasme enfantin de vaincre la mort. Mais les personnages sont aussi cernés par des obstacles qui risquent sans cesse de les faire chuter. Jeanne et David avancent comme ça, des pas en avant, des pas en arrière. Il y a des accrocs, des reculs, des accidents, mais au final, une ouverture", précise le metteur en scène.

André Téchiné voulait déjà que Benjamin Voisin joue le personnage principal de Nos Années folles (2017). Malheureusement, le jour des essais, le jeune comédien a eu un grave accident de bicyclette et les choses ne se sont donc pas faites. Le metteur en scène se rappelle :

"Pour la partie aux Invalides, je lui ai demandé de beaucoup maigrir et de rencontrer des amnésiques. Il l’a fait. Je pensais qu’il aurait besoin d’une grande préparation pour s’attaquer à ce rôle de mort- vivant, et j’ai été épaté de voir à quel point il a joué de façon simple et directe."

"Du fait du trou noir de sa mémoire, David est aux aguets sur le présent mais en même temps tout lui est étranger. Il est à la fois vif et perdu. Benjamin découvrait les scènes en les jouant. Il faisait tout pour la première fois, comme son personnage. C’est une incarnation très instinctive."

André Téchiné a travaillé longtemps "à l’arraché" avec le directeur de la photographie Julien Hirsch. Sur Les Ames soeurs, le cinéaste souhaitait une photographie plus expressionniste que dans ses films précédents. Il a alors fait appel au chef opérateur Georges Lechaptois : "Il a travaillé la lumière comme une matière vivante. C’était une approche différente de celle de Julien, plus picturale."

"Je recherchais une lumière plus fantastique où la frontière entre la réalité et l’imagination s’effacerait. Ce qui m’intéresse, c’est la puissance occulte de l’image où l’on soupçonne qu’il y a des choses invisibles derrière le visible. Quand tout est trop visible dans un plan et dans une lumière il n’y a plus de sortilège, il n’y a plus de mystère. C’est comme les rayons d’un supermarché", se souvient le réalisateur.

Avant Benjamin Voisin et Noémie Merlant, les deux rôles principaux devaient initialement être tenus par Louis Garrel et Charlotte Gainsbourg.