On écrit partout que ce film ravira les amateurs de randonnée et de nature. Rien n'est plus faux. Au contraire, c'est presque un manque de respect, tant la mise en scène est fausse, inauthentique et peu crédible.
J'ai apprécié le récit de Tesson, même si l'authenticité affichée n'est qu'un vernis. Peu importe, tant que c'est bien écrit et qu'on y prend plaisir. Mais voilà, ce qu'on peut se permetttre en littérature n'est pas forcément offert au cinéma.
Ici, nous sommes supposés suivre une aventure osée - traverser la France "périphérique", inconnue, en empruntant des "chemins noirs" - une aventure de longue haleine, aléatoire, risquée même pour un homme en convalescence, assortie d'une cartographie hésitante et d'une modernité galopante qui ronge les zones sauvages, tout cela en autonomie et en dormant à la belle étoile. Autant dire, une rando qui ne se destine pas au premier venu. Et justement, notre brave Jean Dujardin national, que j'apprécie par ailleurs, ressemble et agit ici comme le premier venu, comme le promeneur du dimanche.
Son équipement fait rire (au mieux, cela convient pour une journée...), il est toujours propre sur lui. Tout cela manque de sueur ! Pas une goutte de transpiration, si si regardez bien. On nous prend pour des billes. On se croirait dans les années 80 avec des héros qui garde leur permanente même dans le désert (coucou Mad Max dans le Thunderdome). Au moins Predator finissait dans la gadoue...
Et de la France en diagonale, on ne verra finalement que des paysages du Sud, probablement l'image que les parisiens ont de la France "du vide", avec ses haitants forcément rieurs et bon-vivants. Tout cela baigne dans un optimisme lumineux. Un stage dans la Nièvre, l'Allier ou l'Orne permettrait au réalisateur de revenir au réel.
Le film est totalement vide de tout ce qui occupe tout l'esprit du randonneur au long cours : trouver un lieu où dormir, préparer son feu et sa popote, réfléchir à l'itinéraire, etc. Ces activités banales (elles répondent en fait aux besoins primaires) deviennent une monomanie pour le randonneur véritable. Tout ceux qui savent comprendront. Je ne parle pas de la contrainte de devoir emporter sa nourriture et son couchage... Jean Dujardin fait rire avec son petit sac de 20L tout neuf. Sans compter non plus le matériel d'escalade sorti comme par enchantement, probablement de son camel-bag Decat'. Gros LOL, comme disent les vieux.
Film sans saveur, sans sueur, profondément trompeur, qui vend une expérience fantasmée pour un public, évidemment parisien et peu averti. Les mauvaises langues diront : comme les romans de Sylvain Tesson.
PS : Et puis franchement, refuser l'invitation à dormir de la petite vendeuse en pleine montagne, à des kilomètres de tout, faut vraiment être ***, voire même manquer cruellement d'empathie et de solidarité humaine !