"À l’heure des débats sur le genre, l’identité, l’appartenance et les frontières, ce film veut représenter autrement la question. Il cherche à dépasser la stricte opposition entre-soi et les autres, il imagine un passage fluide entre “ici” et “ailleurs”. Il rêve qu’on puisse se transporter, se rendre différent, se modifier à volonté : qu’on pratique une transformation permanente. L’écrivain Édouard Louis incarne un tel processus. Voilà un jeune homme qui n’a cessé de se transformer depuis vingt ans. Son parcours est placé tout entier sous le signe du renouvellement", déclare François Caillat. "De cette mue spectaculaire, à la fois personnelle et sociale, Édouard Louis avait jusqu’alors peu parlé. Ce film en fait un récit illustré et critique. C’est une histoire incarnée de la transformation."
François Caillat avait déjà travaillé avec Edouard Louis en 2012 sur son documentaire Foucault contre lui-même : "je cherchais un étudiant en philosophie pour réfléchir avec moi sur ce film, relire Michel Foucault, faire des notes utiles au scénario. On m’avait conseillé un jeune normalien d’Ulm qui était disposé à cette collaboration". A l’époque, l'écrivain s’appelait Eddy Bellegueule et était encore inconnu. "Nous avons sympathisé et travaillé plusieurs mois ensemble pour préparer le contenu théorique de mon film. Nous avions des discussions régulières et menions une confrontation intellectuelle sur le sujet qui nous rassemblait : le travail de Foucault et, plus largement, la philosophie – discipline à laquelle j’avais été formé moi aussi (je l’avais enseignée autrefois, avant de devenir cinéaste). J’ai donc connu Edouard Louis très tôt, avant qu’il devienne écrivain et acquière la notoriété qui est la sienne aujourd’hui."
Edouard Louis et François Caillat avaient discuté en amont du tournage mais sans évoquer le documentaire lui-même. L'écrivain ne connaissait pas le projet et n’avait même pas lu le texte écrit pour la production. Il savait juste qu'ils allaient travailler sur le thème de la transformation. Le réalisateur raconte : "Le film est construit sur un retour à Amiens. J’ai emmené Edouard dans cette ville parce que c’est l’étape principale de sa transformation. [...] J’ai organisé le film sur ces années-charnière, sur cette bascule. D’autant qu’Edouard en avait jusqu’alors peu parlé dans ses livres : il y avait une sorte de “trou noir” qu’il m’intéressait d’explorer."