Ranger le cinéma dans la catégorie des divertissements a toujours été pour moi une façon de le disqualifier. Je sais, c'est peut-être un raisonnement snob, mais c'est comme ça : pour moi, le cinéma est avant tout un art qui rend possible, l'espace de quelques minutes ou de quelques heures, une élévation.
En revanche, si on entend divertissement dans le sens d'un Mad Max Fury Road ou d'un Django, ça change tout. Là, à ce niveau de maîtrise, de liberté par rapport aux codes, de créativité, on est dans l'art. Mieux, on est aussi dans le divertissement puisqu'on est dans le bon shoot de plaisir facile. C'est une forme de quintessence, et c'est ce qu'atteint ce Blues Brothers à sa façon. Les deux frères, qu'on nous vend d'abord comme deux parrains de la mafia, s'avèrent être des fous furieux de musique. Pour aider une nonne, ils font tout pour reformer leur groupe d'antan. Ils iront chercher les membres un à un, dans une quête qui permettra à John Landis de sortir sa panoplie : clips jubilatoires avec Aretha Franklin ou Louis Armstrong, scènes absurdes avec l'ex-femme tueuse sanguinaire, montage et écriture en rythme. On s'éclate, on danse, on trépigne, on s'étonne de toutes les audaces et on se fout des quelques lourdeurs scénaristiques. Le cinéaste ne se contente pas d'une déclaration d'amour au Blues. Il crée son propre langage, explore de nouveaux territoires, et on prend un vrai plaisir à l'y suivre.