Avis sur La Louve

Quand la Louve rode, ce n’est pas des moutons dont il faut s’inquiéter mais de leur berger. Avec des plans fixes hypnotiques, bercés par les sons d’un hors champ très travaillé, nous guettons, de loin puis de plus près, cette louve en proie à ses désirs.
Dans un beau noir et blanc très contrasté des paysages arides ; ou celui des costumes traditionnels que revêtent les personnages, s’opposent alors le désir à l’amour, la marge à la norme, la passion à la raison.
Non loin de Stromboli de Rossellini, où la rumeur des villageois se faisait entendre par de bruyants “Vergogna”, il y a ici le jugement silencieux et pesant dans le regard des gens du village. Le regard devient plus important que la parole, si bien que le film reste muet. Et c'est à travers cette narration dépouillée, que cette adaptation arrive dans une économie de moyens à parvenir à l’essentiel en l’espace d’une petite heure, et rendre simplement possible le voyage promis, dans ce village sarde du début du vingtième siècle.
Magnifique.

Un chef-d'œuvre !Je suis allée le voir 2 fois,tellement j'ai été touchée par l'harmonie des regards,des gestes ,la musique et le paysage Les rochers ,vivants observateurs des passions .L'absence de la parole rend la perception puissante du rapport homme-femme ,sans filtres.Un poème en images ,bruits de la nature et sons, évoquant un contexte culturel où souvent la réalité dépasse la fiction.

Ce film est une réflexion sur le sauvage et la nature v/s la civilisation, les normes v/s la liberté (alternance des plans entre une danse traditionnelle qui repose sur des codes et la nage nue et libre de la Louve ou encore le plan des moutons qui sautent le mur...faut-il suivre le troupeau ou a-t-on le droit de vivre autrement?), le sexe comme élément naturel, au même titre que les feuilles qui bruissent dans les arbres. Chaque bruit a sa signification : le linge frappé annonciateur de violence au même titre que l'orage qui gronde régulièrement.
Le relatif silence doublé d'ellipses suggestives apporte une densité extrêmement forte au film. Que veut dire ce silence ? Silence du désir qui n'a pas besoin de mots pour être dit, silence de condamnation de la société villageoise qui ne la défend pas, silence des hommes qui la visitent, pris entre irrespect et fascination, silence de sa fille mélange d'amour et de honte semble-t-il...Chaque plan est empreint d'une émotion, tout le film oscille entre une ode à la sensualité, une peur sourde, et la rage à la fin de voir la Beauté assassinée. On n'est pas loin de Carmen : leur liberté a rendu fou les hommes au point de les tuer !

Très beau film, une utilisation subtile du langage du cinéma qui permet de tout faire passer par l'image, le son et la mise en scène. Allez le voir