Le cinéma a toujours été une assez bonne vitrine des sociétés dans lesquelles il intervenait, qu'il s'agisse d'oeuvres officielles et convenues ou de travaux nettement plus indépendants. Intéressant objet d'étude sociologique, il s'est parfois même mué en porte-parole de son époque et de son contexte, ceci particulièrement à la fin des années 60 avec (entre autres) la libération des moeurs. La trilogie de Paul Morrissey, qui a eu un certain écho avec le nom de Warhol associé à la production, est carrément une icône, un objet-culte reflétant à merveille le climat de la contre-culture Américaine immortalisée par ce fameux cinéma underground New-Yorkais. A ce titre, "Trash", long-métrage central de la trilogie en question, doit être vu de la même façon qu'Hendrix, Joplin ou Morrison doivent être écoutés ; autrement dit, selon vos goûts et affinités pour cette période comme quelque chose d'indémodable correspondant également probablement à une période précise de votre vie (18-20 ans, je suis en plein dedans et je m'y retrouve au moins musicalement) ou alors plus simplement comme le témoignage nostalgique d'un temps révolu où tous les excès étaient permis et où les rêves et utopies occupaient principalement les esprits. "Trash" a ainsi dynamité les conventions Hollywoodiennes classiques tout en s'appropriant un nouveau style lui-même plein de clichés simplement réactualisés, re-contextualisés. La caméra est tremblante, le cadre hésitant, peu précis, le montage parfois nerveux, la synchro dégueulasse, l'image volontairement crade, les décors lugubres, la photo hyper-réaliste... Quant au côté subversif, il faut bien avouer que les séquences de drogue sont d'une proximité effrayante et que l'aspect sexuel n'était pas négligé. A l'époque, c'était de la bombe ; quarante ans plus tard, ça marche encore à peu près. Enfin, Joe D'Allessandro, bisexuel magnétique, emporte tout sur son passage. "Trash" se laisse voir, à mi-chemin entre la ringardise et le révolutionnaire.