Film emblématique d'une dure époque marquée par les tensions raciales et l'affrontement des gangs dans un L.A. pourri par la vente de drogue et la prostitution (fléau qui perdure encore aujourd'hui), "Colors" arbore fièrement les couleurs du drapeau américain, en érigeant avec patriotisme le considérable travail de la police pour rétablir l'ordre et anéantir le réseau de dealers marchandant librement dans les rues. Ce film de Denis Hopper, engagé dans la lutte de substances (le film, pour ne pas choquer, avait été pensé à la base par des producteurs remplacant la drogue contre un produit pharmaceutique trafiqué, idée absurde non-acceptée par Hopper lui-même), et largement gravé dans le marbre des oeuvres post-Guerre du Vietnam en militant acidement sur la place de l'homme dans une société qui ne lui offre plus de choix, reste un modèle du genre. Son scénario, magistralement découpé jusqu'à l'aboutissement d'un point d'orgue dramatique, se fait le miroir pessimiste d'une Amérique qui regarde son propre désordre, et dont l'inactivité politique se résume à sa capacité d'auto-destruction (violence, inégalités raciales, suicide, drogue). Sa mise en scène, accompagnant avec une assurance impressionnante la rugosité du script, incarne parfaitement, et avec une réelle fibre, le visage d'un Los Angeles détérioré de toutes parts. L'interprétation saisissante de Robert Duvall en vieil officier et celle, fragile et pourtant solide, de Sean Penn (qu'il est toujours étonnant de redécouvrir si jeune) en un assistant immature et sans véritable expérience, pimentent le film d'une profondeur viscérale. La description de ces deux personnages, figures contraires et forcées à s'unir dans un travail d'équipe, fait preuve d'une belle maîtrise de la part d'Hopper ; il dessine, en prenant le temps qu'il faut (ce qui invite parfois à de certaines longueurs), deux animaux cherchant la survie et l'issue à une ville crépusculaire qui les harcèle chaque jour. Le paysage urbain, magnifiquement fi