Dernier film de Mizoguchi, et peut-être le meilleur (ce qui veut dire l'un des tous meilleurs films de l'histoire du cinéma). Mizoguchi change de structure scénaristique pour nous offrir un portrait à 5 facettes de la prostitution japonaise d'après guerre.
Ce qui frappe, très fort, c'est de voir à quel point tout a été travaillé jusqu'à atteindre une perfection inimaginable. Chaque scène est culte, le travaille sur la lumière est hallucinant dans chacune d'entre elles, l'occupation de l'espace parle autant que les images, et que dire des dialogues... Mizoguchi a ce don, déjà impressionnant dans Les amants crucifiés, de donner un sens très fort aux dialogues, au-dela de ce qui se dit. Le dialogue de la prostituée effrontée avec son père est à ce niveau confondante.
Aucune prostituée n'est prise en pitié, mais on ne nous épargne pas la cruauté (surtout verbale et symbolique) qu'elles subissent. Le réalisme des évènements et de leur succession fait froid dans le dos.
Il s'agit d'une référence absolue en terme de mise en scène, pour toutes ces raisons mais aussi pour la façon dont Mizoguchi nous révèle la synthèse de son oeuvre. Au début, le maître de la maison close rassemble ses filles pour leur faire un speech sur son rôle social envers elle, alors que les politiques veulent abolir la prostitution. sur le coup, on a du mal à ne pas être convaincu. Vers la fin du film, il répète exactement le même speech après l'annonce de l'abandon de cette loi. Cette fois, on a partagé le quotidien des filles, et donc lors de la scène on a désormais droit à des gros plans sur leurs visages préoccupés par bien d'autres soucis. Et cette fois, le plus naturellement du monde, le discours est devenu absurde.
Pour finir, l'interprétation est parfaite. Machiko Kyo est épatante et géniale, en donnant toutes les dimensions de son personnage finalement très riche, et Wakao Ayako également, comme tous les comédiens.