Avis sur Escalier interdit

C'est fou comme depuis 1967 rien ou presque n'a changé dans le système scolaire ; disons que matériellement ce serait plus informatisé avec des ordinateurs qui vont à deux à l'heure et des imprimantes qui ne fonctionnent pas, autrement non rien à changer... C'est ce que montre ce film, qui n'est pas sans faire penser au palmé "Entre les murs", où se suivent des tranches de vie, dont quelques-unes rappelleront certainement quelques souvenirs au spectateur, pratiquement qu'à travers le regard d'une jeune professeur de littérature et que pratiquement dans l'enceinte du lycée (d'ailleurs l'exception de la séquence qui se déroule dans une rue dangereuse était complètement inutile !!!). Et Sandy Dennis, comédienne agréable, porte fermement et talentueusement le film sur ses épaules. Résultat : ce Mulligan décroche une mention "bien" sans trop de difficultés.

Le premier trimestre d'une jeune enseignante dans un lycée d'un quartier "difficile" de New York. Mulligan respecte les figures imposées, telles que déjà abordées dans Graine de violence, et les dépasse en donnant d'emblée une forme chaotique à son film, qui ne trouve son rythme et sa signification que sur la longueur. Robert Mulligan, qui ne sait pas ce que mièvrerie et conformisme veulent dire, signe une oeuvre anguleuse et inconfortable d'une grande force, qui reste ambigüe, jusqu'au bout.

Comme il a l'habitude Robert Mulligan aime à raconter des histoires vraies ou qui auraient pu être vraies. Il privilégie toujours l'instant présent au suspense, à l'inquiétude ou à la curiosité de connaître la suite. Escalier interdit doit beaucoup à sa personnalité et à celle de Sandy Dennis, petit bout de femme apparemment fragile qui finit par obtenir des résultats probants sans pouvoir éviter quelques échecs. Sandy est une actrice à part qui n'a pas fait une grande carrière, sans doute à cause de sa frimousse qui prete à sourire avec tendresse, mais n'a pas du séduire des metteurs en scène importants. Elle est en tous cas ici inoubliable. En dehors d'être un film touchant, c'est aussi un témoignage très proche de ce qu'il se passait dans la moyennes des écoles populaires américaines des années 60/70 . La banalité du quotidien est rendue avec une authenticité bienvenue, il n'y a pas de marginaux ni dans un camp ni dans l'autre mais simplement des gens ordinaires qui n'ont guère envie de se comporter mieux qu'ils ne le font. Sandy fait partie des 10 pour cent des personnes qui aiment les autres et ont a coeur de faire quelque chose pour eux.

En 1967 dans les universités américaines, c'était déjà bien le bazar ! Très beau personnage que celui de cette professeure de littérature (ancêtre du prof. du Cercle des Poètes disparus) passionnée : d'apparence fragile, elle place tout son courage et toute son humanité à éduquer des élèves dissipés, peu concernés au départ. Robert Mulligan filme de façon réaliste, en caméra portée. On a parfois le sentiment de voir un documentaire. A certains moments, l'émotion est forte : voir la scène de classe où les élèves sont comme pris au piège d'un texte de Dickens, et partent dans un débat d'idées que seule la cloche viendra difficilement interrompre. Une autre scène très bien menée : une jeune fille amoureuse de son professeur lui écrit une lettre romantique ; devant elle le professeur la lit...et en corrige les fautes d'orthographe et de style comme s'il s'agissait d'un texte anodin ! Moment terriblement cruel pour l'élève.
Réalisateur assez méconnu du grand public, cet opus prouve qu'il mériterait une plus grande considération ! J'ai personnellement hâte de découvrir rapidement ses autres œuvres.