Pourquoi (pas) le Brésil : les secrets du tournage

C'est la première fois qu'un film est réalisé à partir de l'oeuvre littéraire de Christine Angot, auteur notamment de L'Inceste qui fut un des événements de la rentrée littéraire en France en 1999. Dans Pourquoi le Brésil, l'écrivain, qui prend souvent sa propre vie comme matière première de ses livres, raconte sa rencontre amoureuse avec le journaliste Pierre-Louis Rozynès. Plusieurs personnes qui font partie de l'entourage de l'auteur apparaissent dans le livre, sous leur vrai nom. Parmi eux figure... Laetitia Masson, amie de longue date de l'auteur.

La cinéaste évoque le point de départ de Pourquoi (pas?) le Brésil : "Maurice Bernart [producteur] m'a appelée. Il avait une idée : me faire travailler avec Christine Angot. A ce moment là, comme je le raconte dans le film, moi, j'avais plus besoin d'argent que d'idées. Et puis la sienne était particulièrement vague. J'ai donc répondu que je ne voyais pas ce que je pouvais faire pour lui. Et puis, poussée par Christine qui pensait que quelque chose était possible entre son écriture et le cinéma, et surtout poussée par l'idée que je devais gagner ma vie, j'ai décidé de faire ce que l'on attendait de moi : adapter le libre de Christine qui venait de sortir en librairie : Pourquoi le Brésil. On a rencontré Jean-Michel Rey [un autre producteur...]. Il a dit :" Je le fais avec vous." J'ai écrit le scénario, et les problèmes ont commencé..."

Pourquoi (pas) le Brésil ? a été présenté en sélection officielle au Festival de Locarno en 2004.

Pourquoi (pas) le Brésil est un objet cinématographique très singulier. Il a parfois des allures de documentaire, puisque Laetitia Masson y joue son propre rôle, celui d'une réalisatrice qui tente de mener à bien un projet (l'adaptation du livre autobiographique de Christine Angot Pourquoi le Brésil), et se heurte à toutes sortes de contraintes : le budget, le casting, le tournage... Mais dans certaines scènes, le rôle de la réalisatrice est tenue par Elsa Zylberstein, faisant basculer le film dans la fiction. Le spectateur voit par ailleurs certaines scènes du long-métrage qu'essaie de tourner la cinéaste. Et, dans ce "film dans le film", c'est encore une fois Elsa Zylberstein qui tient le rôle principal (celui, donc, de Christine Angot)... Ajoutons que Maurice Rey, le nom du personnage du producteur, incarné par Bernard Le Coq, renvoie au nom des véritables producteurs du films, Maurice Bernart et Jean-Michel Rey.

En 2001, Laetitia Masson avait déjà collaboré avec Christine Angot pour Emmenez-la, un court-métrage réalisé dans le cadre d'une série initiée par Canal + autour du thème "L'Erotisme vu par...".

La rencontre avec Elsa Zylberstein s'est révélée déterminante pour la cinéaste : "Les acteurs que j'avais contactés avaient tous refusé le film. Donc j'en étais arrivée à me dire que j'allais filmer des fourmis avec une caméra vidéo, que je mettrais une voix off, et que je raconterais ça : une sorte de récit catastrophe sur le cinéma, la solitude... bref, ça n'allait pas fort. Et puis un jour dans un restaurant, j'ai rencontré Elsa que je ne connassais pas et qui est venue vers moi pour me parler gentiment de mon travail... C'était la première personne qui faisait ça depuis très, très longtemps (...) Je lui ai dit que j'étais en train de renoncer à un film d'après le livre de Christine. Elle l'avait lu, adoré, et elle était d'accord pour jouer dans le film, que que soit le scénario...

La comédienne Elsa Zylberstein revient sur la singularité de ce tournage : "J'avais une pression un peu plus grande, c'est vrai. Surtout avec Christine [Angot]. D'autant plus que c'est sa vraie fille, Eléonore, qui joue dans le film. Mais c'était plutôt très excitant comment la vraie vie se mêlait au film (...) ce qui était génial était que j'avais de la matière vivante, que je passais mon temps à m'identifier à quelqu'un qui était en face de moi. Je suis quelqu'un de très sensible et très perméable aux gestes des gens, ce qu'ils sont, ce qu'ils dégagent, comment ils parlent. Je suis un vrai petit vampire, comme Christine et Laetitia !"

Le film a été tourné avec très peu de moyens financiers, et une partie a été tournée en vidéo. "Ces contraintes économiques ont imposé au film sa forme : puisqu'il était fondamentalement et matériellement impossible de suivre le livre (impossible de suivre la vraie Christine en train de vivre sa vraie histoire d'amour, impossible d'aller à Montréal, à Genève, dans le sud de la France), il fallait pour ne pas le trahir raconter cette impossibilité... Le film devenait possible si on montrait l'impossible, et de cette façon il rejoignait le livre qui raconte l'irracontable..."