Andrew Niccol fait des films engagés, ses sujets ne sont pas faciles et il les traite toujours avec beaucoup de brio. Comme je suis un adepte de ce réalisateur néo-zélandais depuis ses débuts américains, j'attendais beaucoup de son dernier film. Personnellement, je trouve « Lord of War » bien moins réussi que ses précédentes oeuvres en tant que scénariste ou scénariste/réalisateur, « The Truman Show » (1998), « Bienvenue à Gattaca » (Gattaca, 1997) et « S1M0ne » (2001), tout en étant quand même de bon niveau. Ses précédents films étant exempts de défauts, « Lord of War » fait baisser la côte d'Andrew Niccol auprès du fan numéro 1 que j'étais. Même si tout n'est pas parfait dans « Lord of War », l'interprétation est remarquable (Nicolas Cage était l'acteur idéal pour le rôle et l'acteur campant le dictateur du Libéria est plus vrai que nature), le thème abordé par le film est vraiment intéressant et son développement est très sympathique avec quelques pics lancés de ci, de là contre les gouvernements occidentaux qui donnent souvent des leçons de liberté et de démocratie aux autres pays. On suit les aventures de ce « seigneur de la guerre » en étant admiratif de ses compétences dans ce commerce si particulier et de ses qualités à réussir plus globalement dans tout ce qu'il entreprend (par exemple, dans son entreprise de séduction de celle qui allait devenir sa femme). Et surtout, ce qui caractérise bien le film, c'est son humour omniprésent aussi bien dans les situations que les dialogues. Tous ces aspects du film m'ont donc beaucoup plu. Mais, parfois, le film tourne trop à la « démonstration » et, à trop vouloir tout expliquer au spectateur, le film a quelques baisses de rythme. Mais, cela ne porte pas trop à conséquence car on ne s'ennuie jamais tant les différentes situations auxquelles est confronté le héros sont intéressantes. Le film a aussi quelques absences : comment un trafiquant de ce calibre a pu ne pas intervenir dans la première guerre du Golfe (d'abord le conflit Koweit / Irak (août 90 / janvier 91) puis le conflit Irak / reste du monde) de 1991 alors que le film se déroule durant cette période ? Je déplore aussi et surtout quelques effets (trop) faciles de réalisation; des exemples ?
-> Un plan fixe sur une voiture, un plan de coupe sur une discussion entre le héros et son oncle au sujet de ladite voiture pour expliquer au spectateur la suite de la scène et un autre plan sur la voiture qui explose : une scène on ne peut plus prévisible dans sa construction ! -> Un plan sur un bébé assis sur la piste improvisée d'atterrissage de l'avion, un plan sur l'avion qui atterrit, un plan sur le bébé, un plan sur l'avion, et finalement le bébé est sauvé in extremis : êtes-vous réellement étonné par cette conclusion de la scène ?
-> Un flash-back initial qui empêche au spectateur de se poser des questions sur ce que va devenir le héros après son arrestation (relire ma critique de « Frères de Sang » sur le site, pour mon analyse détaillée des bonnes et mauvaises utilisations du flash-back). Enfin, la fin m'a laissé sur ma faim :
Pour un film qui s'autoproclame « politiquement incorrect » dans ses affiches de promotion, je trouve la fin décevante. Finalement, comme dans les films de Sam Mendes (« Americain Beauty » (1999) ou « Les Sentiers de la Perdition » (Road to Perdition, 2001)) ou comme dans « L'Effet Papillon » (The Butterfly Effect, 2003), la fin la plus logique, en phase avec le reste du film, n'est pas celle qui a été retenue finalement. Comme si un film qui se veut politiquement incorrect se devait d'avoir une fin politiquement correcte (pour le premier film cité, le personnage principal ne peut pas déflorer une jeune fille vierge; pour le second film, l'enfant - symbole de la pureté et de l'innocence - du tueur campé par Tom Hanks ne peut pas venger son père en tuant le tueur campé par Jude Law avec l'arme qu'il tient en main ; pour le troisième film, le foetus ne peut pas se suicider avec son cordon ombilical, et, ici, un « self-made man » dans la société américaine, ne peut pas finir sa brillante carrière par un suicide sordide en prison alors qu'il a tout perdu, y compris toute sa famille, au sens très large du terme). Pour finir, mentions spéciales pour le générique de début, un vidéo-clip très formateur sur le parcours d'une balle, et pour le texte final qui révèle la relativité de ce que vient de voir le spectateur - les trafiquants d'armes illégaux - par rapport à la réalité - les marchands d'armes de l'ONU- qui encadrent bien le film.
J'ai beaucoup hésité pour la note associée à ma critique entre un gros 3 (pas mal) et un petit 4 (bon) car, malgré ses défauts, le film a pour lui un sujet très intéressant, même si celui-ci aurait pu être mieux exploité par moments.