Comme pour «Je t’aime, je t’aime», Alain Resnais construit le titre de «L’amour à mort» (France, 1984) sur une même répétition. Il y a dans l’un comme dans l’autre, les turpitudes de l’amour et la tentation de la mort. Resnais, dans «Je t’aime, je t’aime», ciselait sa narration pour la recoller en mosaïque vertigineuse. Il s’agit d’un procédé très différent pour «L’amour à mort» mais le vertige du malaise conservé. Ce trouble est d’autant plus étouffant qu’il est présent dès la première séquence, où l’on voit Pierre Arditi suffoquer, agoniser avant que de mourir. La mort apparaît pour la première fois. Resnais, comme souvent dans son cinéma, base l’expérience de ses films sur des fabulations construites à partir du temps. Simon veut vivre sa seconde vie en faisant ce qu’il n’aurait pas pu faire s’il était mort, c’est donc déjà les «Ou bien» de «Smoking». D’autant plus que ce n’est pas le personnage d’Arditi qui revit, c’est son personnage décédé qui renaît. Resnais croirait-il à l’amour plus fort que la mort ? C’est sans compter l’attraction dangereuse et implacable de la mort sur les êtres du film. L’œuvre est hantée par la mort. La finitude des choses est nécessairement impliquée dans la cinétique cinématographique mais Resnais la rend formelle par ses cartons noirs ou enneigés. La neige de «L’amour à mort» n’a rien de semblable à celle de «Cœurs». Dans le film de 2007, il neige sur Paris, il neige sur les gens. La neige est protagoniste, elle est matérielle. Dans le film qui nous concerne, la neige est abstraite, elle incarne le tumulte de la vie sur le néant de la mort, sur le noir profond du carton. Autre que la mort, il y a l’amour dans ce film. Et cette terrible accointance qu’elle lit avec la mort en fait une émotion passionnelle. Cette passion est réfléchie, discutée, vécue et subie, tout cela dans des intervalles, dans des scénettes entrecoupées par ces cartons mystérieux. Fomenté dans la flamme des hommes, ce film de Resnais est de ses plus grands.