Pour ceux qui me suivent un peu, il n’y aura pas de mystère si je vous dis que les Wachowski et moi, c’est un petit peu les montagnes russes. Au cinéma, je peux tout aussi bien m’extasier face à des « Bound », Matrix » ou autres « Cloud Atlas » que je peux rejeter en bloc les « Speed Racer », « Matrix Reloaded » et autre « Jupiter’s Ascending ». Du coup, pour cette entrée dans le monde de la série, j’étais curieux, mais méfiant. Première bonne surprise dès le générique : la participation au projet de quelques noms que j’ai été heureux de retrouver là. D’abord Joe Michael Straczynski, créateur de « Babylon 5 » et co-créateur sur cette série là. Ensuite je me suis amusé de retrouver quelques habitués des productions Wacho comme Tom Tykwer à la réalisation, Joe Pantoliano et Doona Bae au casting, le tout mélangé avec des apparitions inattendues comme celles de Darryl Hannah, Anupam Kher ou bien encore celle du duo allemand révélé à l’international par le film « La Vague » : Max Riemelt et Max Mauff. Bref, voilà des associations alléchantes pour une série qui, dès le premier épisode, pose énormément de promesses. C’est propre, c’est beau, c’est malin et ça annonce une sacrée richesse en termes de propos. Oui, très rapidement, tous les éléments des « bons » Wachowskis sont là. Rigueur esthétique ; certains dialogues posant des réflexions très intéressantes sur la société ou sur l’humain ; mise en place de dispositifs narratifs très originaux et très travaillés. D’ailleurs, c’est ce dernier point qui, pour moi, fait la différence concernant cette série. Un peu à la manière d’un « Cloud Atlas », des intrigues au départ diamétralement opposées se mêlent de manière astucieuses pour rentrer en écho les unes aux autres, l’élément fantastique au cœur de l’intrigue permettant des scènes de mélange et de contacts d’univers que j’ai trouvé vraiment parlante (
parmi les bons moments, la reprise à huit du tube de 4 Non Blondes est particulièrement réussie ; tout comme la gigantesque partie de jambes en l’air par simple transmission de pensée : des belles incarnations de la démarche globale des Wachowski
). En cela « Sense 8 » assure vraiment le spectacle… jusqu’à la fin de l’épisode 6. Parce que oui, c’est dommage, mais le dispositif est presque victime de sa propre inertie, peinant à se développer. C’était certes un moindre mal au départ tant les univers proposés étaient variés et riches, et tant surtout les Wachowski étaient parvenus à jongler habilement entre posture mystique, discours militant et autodérision correctement calibrée (les problèmes de Lito sont pour moi d’ailleurs les plus réussis dans ce domaine là), mais pour moi tout s’écroule à partir de l’épisode 7 où la série commence à trop solliciter les clichés du genre et à sombrer dans un schéma plus classique. Et voilà qu’on nous sort des gros méchants qui luttent contre des gentils seuls contre tous ; mais aussi des explications vaseuses dignes de « Star Wars Episode One » (
psycellium, médichlorien : même combat
) et des prises de liberté du scénario avec sa propre logique qui sont plus que discutables (
Parmi les trucs qui tâchent : Whispers ; le méchant en carton qui, à la manière d’un Sylar de « Heroes » est capable d’entrer dans tous les cercles d’un simple regard. Autre souci : les systèmes d’entraides qui fonctionnent quand ça chante aux scénaristes : Will peut aider Nomi à se détacher de son hôpital, même sous sédatif, et à distance, mais ne peut plus le faire pour Riley lors du dernier épisode ; tout comme Sun peut déchiqueter des brigades entières pour le compte de Capheus mais n’est pas foutue de le faire contre quatre médecins qui tiennent cette même Riley prisonnière. Etrange…
) Et c’est dommage, car cette mise en branle de l’intrigue sur la deuxième partie de la saison, loin de dynamiser l’ensemble, contribue au contraire à l’appauvrir. Par des soucis de compréhension, les auteurs limitent les interactions entre personnages (les réduisant presque exclusivement à des couples sur la deuxième moitié), stéréotypent les rebondissements et orientent pour le coup cette série qui aurait pu être un « Cloud Atlas » développé vers un « Heroes » trendy au militantisme finalement superficiel et parfois lourd. Alors après, certes, le plaisir ne s’est pas totalement estompé sur la fin de cette saison 1, mais je dois bien avouer que la magie des premiers épisodes s’est par contre, quant à elle, progressivement évaporée pour ne plus laisser grand-chose derrière elle. Netflix a tardé avant d’annoncer le renouvellement de la série. Espérons que ce soit un signe comme quoi davantage sera exigée pour la saison 2. En tout cas, moi, j’espère. Autant prendre son pied au début pour au final estimer avoir fait le tour à la fin, c’est quand même frustrant comme sentiment. A voir donc comment les choses vont évoluer…