Vous êtes en manque de récits au long cours dans la pure lignée de « Breaking Bad » ou « The Americans » ? Vous pouvez vous lancer dans le visionnage d’Ozark, la série Netflix qui reprend peu ou prou les mêmes ingrédients. Mais y trouverez-vous les mêmes saveurs ?
Dès le début de l’histoire qui se déroule à Chicago, on sait que Marty Birde blanchit de l’argent au profit de narcotrafiquants mexicains. Tout se passe pour le moins pire jusqu’à ce que l’organisation découvre que les personnes avec qui Marty travaille volent de l’argent au passage. Il ne doit alors la vie qu’au pari risqué que celui-ci évoque avant de se faire liquider : blanchir une quantité d’argent considérable à proximité des lacs Ozark dont il vante les mérites en terme d’implantation. Il a carte blanche pour exécuter son plan avec toutefois un ultimatum temporel drastique. En cas de retard, lui et toute sa famille mourront. Un départ de Chicago houleux qui l’obligera à dévoiler ses activités auprès de sa fille adolescente et de son fils plus jeune ce qui ne sera pas sans conséquence. Situation d’autant plus compliquée donc que sa relation de couple est plus que tendue.
Nous sommes donc dans une situation où la famille Birde va continuellement risquer sa vie devant les défis qu’elle aura à accomplir : trouver des investissements possibles, lutter contre la concurrence locale (en particulier le couple Snell qui dirige la production locale d’héroïne), résister à la convoitise des Langmore, famille « white-trash » avide de mauvais coups et à l’intrusion du FBI qui trouve le comportement des Birde suspect. Des intrications complexes entre tous ces personnages, des coups-fourrés, des difficultés familiales, de la violence… On est en présence d’une production proche des grandes sagas d’un temps révolu.
Si l’ensemble de l’intrigue se suit avec plaisir, il manque tout de même un peu de tout pour qu’ « Ozark » devienne une grande série. Certes, on apprécie que les dilemmes éthiques et moraux devant lesquels le couple se retrouve soient bien retranscrits. Ainsi, au cours de la saison 3, une mention spéciale est à attribuer, lorsqu’un personnage complexe et attachant chamboule l’équilibre précaire de la famille Birde. Dans ce cas précis, la situation devient tragique et bouleversante grâce en particulier à la performance d’actrice de Laura Linney (Wendy Birde) qui n’a rien à envier à celle de Jason Bateman (Marty Birde), lui aussi excellent. Dans l’ensemble, ils incarnent avec une grande justesse ce duo lié par des sentiments contradictoires mais touchants. Ils parviennent aussi à mettre en avant la trajectoire psychologique de leur personnage tout en respectant leur cohérence. De même, le couple Snell est magnifiquement dépeint. Implantés depuis des générations, la rugosité du terroir qui les caractérise ainsi que l’effroi que leurs réactions suscite fait souvent mouche. D’autant plus qu’ils savent aussi se montrer émouvants dans la relation qu’ils ont l’un pour l’autre. Le rendu de leur histoire mis à l’écran est une belle réussite.
Cependant, beaucoup de personnages manquent de profondeur. Ainsi, il est dommage qu’à l’inverse du fils Birde, dont la personnalité plutôt travaillée apporte par moment un plus à l’histoire, la fille a bien du mal à trouver sa place dans le récit. On pourrait aussi citer le cas de Zach Langmore, l’intellectuel chez les « bouseux » dont on attendait beaucoup et qui se retrouve dans une situation dont le réalisme prête à caution mais qui est surtout sous-exploité. Pour l’instant, il apparaît comme un personnage dont les auteurs ne savent pas vraiment quoi faire mais qui pourrait à un moment retrouver une place intéressante dans le récit, alors, on l’a mis là, en attendant... Et enfin, que dire de ce personnage grotesque qu’est le flic du FBI Roy Petty, tellement sadique qu’il en devient ridicule malgré la volonté des auteurs de nous sensibiliser à son histoire.
Et enfin, il y a Ruth. Non aidée par un jeu d’actrice stéréotypée, on suit ses revirements et ses états d’âme avec une certaine incrédulité. Peut-être parce que la série, dont la structure se base sur les choix de ses protagonistes, abuse de ces oscillations permanentes. Quelle direction Marty va-t-il emprunter dans la saison 3 ? Quelle voie les Snell vont-ils choisir ? Quel choix Charlotte va-t-elle faire pour son avenir (intrigue secondaire dénuée d’intérêt) ? A force de faire durer le « suspense », le récit a tendance à patiner et la ficelle qui tient l’arc narratif devient une vraie corde trop voyante. De même, si les moyens mis en œuvre par les Birde pour s’extirper de situations qui semblent perdues d’avance sont divertissants, le fait d’en connaître à l’avance le dénouement nuit grandement à la tension dramatique. D’autant plus que les « méchants » de l’histoire n’ont pas le charisme vénéneux de « Gus » Fring dans « Breaking Bad » (même si « Del » remplit bien son rôle et nous procure quelques frissons bienvenus). Et ce n’est pas la scène finale de la saison 3 qui va contrebalancer cet argument. Elle est surprenante mais peu crédible dans sa mise en scène et par conséquent ratée dans les émotions qu’elle veut susciter (de la peur ? du ridicule?). On a dès lors l’impression que la série veut utiliser l’effet de surprise violent comme moyen de gagner des galons dans la hiérarchie des grandes séries.
« Ozark » est au final agréable à suivre car elle reste une saga dont le devenir des personnages ne nous est pas indifférent. Mais elle est loin d’être au niveau de ses grandes sœurs. Peut-être serait-elle sortie il y a une dizaine d’années aurait-on dit qu’elle était novatrice dans son genre ? Malheureusement, quand on s’inspire d’un genre, il faut lui apporter des éléments frais et une personnalité qu’Ozark n’a pas (encore) trouvé. Et si sa photographie soignée, teintée de bleu, procure à l’ensemble une ambiance intéressante, il lui manque une once de cohérence, de la profondeur dans le traitement de ses personnages et une véritable capacité à surprendre le spectateur. Tout un programme que l’on pourra suivre avec intérêt.
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