Le nombre de personnes qualifiant le personnage principal de "drama queen" montre hélas combien la série a manqué son but...
Il s'agissait de montrer combien des faits quotidiens trop banalisés et invisibilisés (moqueries, harcèlement, solitude, voire agression sexuelle) peuvent mener un-e adolescent-e à un état de réelle détresse, au point de se donner la mort. La série annonce une sorte de plongée dans un cycle infernal et donne même souvent l'impression qu'un twist va survenir à la fin. L'idée des 13 raisons expliquées sur des cassettes était également intéressante dans le sens où elle pouvait servir ce crescendo et, bien sûr, le suspens.
Or, malgré toutes ces bonnes intentions, la série tombe à plat. Toutes les raisons évoquées du suicide de la jeune fille se limitent à des faits qui, promettant chaque fois un ouragan, semblent en fait n'avoir aucune incidence les uns sur les autres, aucune vraie conséquence. Entre chaque fait, tout repart donc presque à zéro jusqu'à ce qu'un nouveau hasard vienne tout chambouler, donnant l'impression d'un empilement un peu grotesque et artificiel de faits plus que d'une effet papillon.
Pire encore, alors que c'est le fil conducteur de la série et qu'elle en parle tout le temps, Hannah ne montre aucun signe de dégradation de sa santé mentale avant l'épisode 11 ! Alors que, plus que les faits en soi, ce sont bien leurs effets psychologiques qu'il aurait été intéressant de montrer. Hannah aurait pu perdre confiance en elle, arrêter de manger, ne plus essayer de communiquer avec les autres (ce qui lui arrive seulement à la toute fin)... Ces conséquences psychologiques auraient suffi à donner lieu à de nouveaux évènements crédibles et pertinents (paranoïa, éloignement), au lieu des évènements sortis de nulle part amenés par la série (
comme l'accident de voiture
) et qui servent plus à faire du spectacle qu'à comprendre les mécanismes qui poussent au suicide. Le résultat est que la moitié des spectateurs n'ont ressenti aucune empathie pour elle et sont passés à côté de l'enjeu de la série.
La progression très artificielle de la narration se double d'un suspens lui aussi très artificiel, voire lourd (
Clay qui "n'arrive pas" à écouter les cassettes, les autres qui ne "peuvent pas" raconter ce qu'il y a dessus, etc.
) Résultat : ça n'avance pas et on s'ennuie.
Enfin, tout cela s'articule en un tissu de clichés très impressionnant. J'ai rarement vu une série reprendre autant les poncifs de la plus basique production américaine, aussi bien dans les personnages (tous des caricatures) que dans les situations (mère étouffante, excuse des devoirs à faire et passage par la fenêtre...) alors qu'on sent pourtant une volonté de nuancer le rôle des uns et des autres, notamment dans leur culpabilité (y compris Hannah elle-même).
En résumé, une bonne idée de série mais traitée de façon trop lourde et superficielle, un déroulement long et un dénouement décevant... . C'est dommage, car les thèmes abordés sont très intéressants et le concept avait beaucoup de potentiel. Néanmoins, la série peut valoir le coup d'être montrée à des collégiens et à des lycéens. Elle reste aussi l'une des rares séries à aborder des sujets aussi tabous que la mort, la violence et la sexualité, les cruels rapports de force, tout cela chez les très jeunes, dans le contexte quotidien d'une société trop hypocrite. Certes, c'est abordé de façon très lisse, mais aussi frontale, sans romanesque, sans happy end. C'est uniquement grâce à cela qu'on se souviendra de 13 Reasons Why.