Avec une série comme "Dark", une partie des spectateurs habitués aux séries grand public (tout ce qui traîne sur Netflix l'est de fait) peuvent avoir l'impression de philosopher, comme en témoignent les commentaires élogieux. Il y est question du temps, de la présence, de l'atome, des nombres mystiques, de la trinité, et ainsi de suite. Les épisodes ont des titres pompeux, éventuellement en latin, qui produisent un effet de complexité. Parmi les personnages, on a toute une kyrielle d'illuminés qui parfois bafouillent des mots que personne ne comprend immédiatement, comme s'ils étaient les dépositaires d'une grande sagesse venue des temps anciens. Quant à la bande son, pratiquement inexistante, elle consiste essentiellement en des effets réverbérés à outrance, des sifflements divers et variés, et des nappes de violons censément angoissantes.
Tout cela peut effectivement donner une impression, au premier clampin venu, d'avoir affaire à un "chef d'oeuvre" dans la mesure où cela le change des Tuches et des séries américaines qu'il a déjà poncé 15 fois en mangeant ses pizzas. En réalité, l'esthétique est rigoureusement la même que dans n'importe quelle autre série contemporaine - photographie identique, plans identiques, montage commun au possible -. Tout est beau, tout est propre (même quand on est dans des grottes, des caves ou du sang). Les acteurs sont ridicules, filmés dans des plans où ils regardent à droite à gauche en panique, où ils font semblant de penser au temps ou à leur vie, et dropent aléatoirement des clichés qu'on a déjà entendu des milliards de fois sur la vie, l'amour, la trahison, etc. Le fait que cela se passe en Allemagne n'apporte strictement rien en dehors de la langue. Comme il se doit, le thème nucléaire n'est pour ainsi dire pas abordé (à part sous l'idée du "méchant patron de la centrale qui refuse d'ouvrir ses portes"), les gens n'ont aucune pensée, aucune idéologie, rien, ce sont juste des sortes de pions stupides qui s'agrègent les uns aux autres autour de cette histoire de faille temporelle...
L'histoire, prenante dans les deux ou trois premiers épisodes, patauge peu à peu dans des non-sens, ce qui était attendu au regard de la thématique du voyage dans le temps. Il ne suffit pas d'avoir une machine à voyager dans le temps, quelques locutions latines et des radiations pour arriver à faire un scénario qui tient la route ! Ici, on est dans l'incohérence permanente en dépit des efforts des acteurs pour faire semblant d'y croire. Le coup de la grotte, à lui seul, résume le ridicule de l'affaire - on ne voit pas pourquoi personne n'a jamais pensé à l'explorer réellement, pourquoi la police ne l'a pas bouclée ou brisée depuis longtemps, au regard des événements qui s'y déroulent. De plus, les conséquences des transitions des personnages d'une époque à l'autre sont pratiquement inexistantes, ça ne tient pas la route une seule seconde. On assiste donc peu à peu à une série qui ne sait pas où elle va, qui n'a rien à dire, où tout se passe comme s'il suffisait de balancer des mots comme "alpha et oméga" pour donner du sens... mais tout cela ne peut faire illusion qu'auprès d'un public n'ayant pas le sens de la philosophie, et qui se laisse attraper comme un nigaud par les grosses ficelles de cette série.
C'est tout de même assez scandaleux au regard de ce que sont capables de proposer par ailleurs les allemands en termes d'inventivité, et en termes de philosophie ! Quand on connait la réserve d'intelligence dont ce pays dispose, on se dit qu'ils sont tombés aussi bas que les autres finalement, dans une sorte de pseudo-philosophie pseudo-ésotérique, à l'américaine en somme...
Bref, Dark est une série générique comme il en existe tant d'autres sur Netflix, mais avec, en prime, une prétention "philosophique" bien mal venue.