Série comique décapante, "The Marvelous Mrs Maisel", créée par Amy Sherman-Palladino ("Gilmore Girls"), met en scène les débuts de cette comique instinctive et provocatrice, son apprentissage chaotique et ses doutes face au jugement de ses proches et de la société américaine. Comédie virevoltante récompensée à deux reprises aux derniers Golden Globes (meilleure comédie, meilleure actrice), "La Fabuleuse Madame Maisel" (en VF) s’inspire de la véritable histoire du stand-up féminin américain, qui débuta au milieu des années 1950 avec les pionnières Phyllis Diller et Joan Rivers. Elle recrée l’ambiance du Gaslight Café, authentique club underground ouvert en 1958 dans Greenwich Village, où se produisirent, entre autres, Bill Cosby, Bob Dylan et Charles Mingus, et dont on découvre les coulisses dans le sillage de son héroïne et de sa manageuse beatnik grincheuse, Susie (Alex Borstein). Amy Sherman-Palladino, dialoguiste hors pair, nous emporte dans un tourbillon de répliques piquantes qui rappelle les "screwball comedies" des années 1930-1940. On a un ballet stylisé, coloré, aux accents de comédie musicale, remarquablement mis en scène en plans-séquences et en longs travellings, accompagné d’une BO où se côtoient Barbra Streisand, Peggy Lee, David Bowie et Edith Piaf. Tendrement vache avec une communauté juive new-yorkaise incarnée par les parents de Midge (un père universitaire anxieux, Tony Shalhoub, et une mère envahissante, Marin Hinkle), Amy Sherman-Palladino s’attaque frontalement à l’Amérique de la fin des années 1950, paternaliste et phallocrate et, en écho, à celle de Donald Trump. Sa jeune héroïne, à qui l’une de ses concurrentes explique "Les hommes ne veulent pas que tu les fasses rire, ils veulent te baiser", va plus loin que les comédiennes de stand-up de l’époque. La scénariste en fait une femme des années 1950 qui ne hait pas sa vie, une mère de deux enfants qui refuse d’être mariée par principe et préfère prendre un job dans un grand magasin plutôt que de dépendre d’une famille aisée; une comique qui jure, parle de sexe, montre ses seins sur scène, ce qui lui vaudra un rocambolesque procès pour indécence, se paye la tête des hommes et réussit là où son mari a toujours échoué. Midge Maisel trouve dans le stand-up mieux qu’un exutoire à sa position de femme trompée et délaissée. Elle s’y révèle, donne corps à son personnage de femme battante (qui n’est autre qu’elle-même, débarrassée des carcans de la société) et prend en main le récit de sa vie, avec les bons côtés comme les pires. Car sous son optimisme pop et coloré, "The Marvelous Mrs Maisel" laisse en effet filtrer une bonne dose de mélancolie. Midge ne devient pas une vedette en trois épisodes, elle paye cher ses moqueries à l’égard des castes dominantes, doute, trébuche parfois dans sa marche vers l’indépendance, mais elle ne perd jamais son dynamisme. Elle doit beaucoup à Rachel Brosnahan ("House of Cards", "Manhattan"), parfaite de candeur et de malice mêlées qui, sans jamais cabotiner, imprime au personnage un tempo comique impeccable et une énergie contagieuse. Une bonne série télévisée qui constitue une belle surprise en définitive