Euphoria, soit l'énorme shoot qu'il nous fallait pour sortir de ce bad trip qu'est le cliché "énième série par et pour des ados". Zendaya nous a scotché, il n'y a pas d'autres mots, pour nous qui disions au début "quoi, la jeune actrice qui sort de chez Disney ? Shake It Up et Agent K.C., non ? Eh ben ça va voler haut...", et Zendaya de nous envoyer valser avec sa performance sensible, à fleur de peau, à laquelle on s'identifie si vite et si intensément, elle nous a bouleversé. On ressort du premier épisode groggy, étonné par le boulot colossal du casting qui n'hésite pas (au sens littéral comme au figuré) "à se mettre à poil" devant la caméra, à dépeindre une jeunesse qui explose en mille morceaux face à toutes les addictions qui existent : sexe compulsif, violence, stupéfiants, alcool, voyeurisme... Euphoria nous le fait vite comprendre : chaque épisode va pousser plus loin encore les limites de chaque addiction, jusqu'à en exagérer la portée volontairement (on concentre en un petit groupe de jeunes des comportements extrêmes, sans demi-mesure, mais n'est-ce pas cela, "l'euphorie" de cette série ?), pour nous faire réagir devant notre petit téléviseur. Vous avez envie d'étrangler ce couple ultra-toxique (Nate et Maddy qui se frappent, se rendent malheureux et jaloux, cassent tout sur leur passage, mais reviennent inlassablement vers l'autre...), vous êtes émus par la scène de
l'avortement
de Cassie, vous ne savez plus quoi penser du web-sado-masochisme de Kat (drôle ? effrayant ? un peu des deux ?), et vous avez des sautes d'humeur en fonction des réussites et rechutes de Rue ? C'est normal, vous regardez Euphoria, et l'on comprend vite le titre, qui dépasse de loin le simple rapport aux drogues. Qu'on se le dise, le couple qui se forme peu à peu entre
Rue et Jules ("Rules")
nous ravit au plus haut point, et l'on attend déjà la saison suivante avec une impatience non contrôlée. Le personnage de Jules est interprété avec finesse par Hunter Schafer, une actrice trans qui milite pour les droits à l'orientation sexuelle libre, à l'identité choisie et non subie, ce que l'on retrouve naturellement dans son protagoniste si touchant, si intéressant et délicieusement indéfinissable. Quant à Rue, que dire de plus, si ce n'est : bravo, encore, bravo, Zendaya. Toutes les étapes de l'addiction y passent avec une documentation époustouflante (on sent que les scénaristes ont bossé), les monteurs méritent une rallonge sur salaire : les chansons sont choisies avec soin et donnent un réel impact aux scènes qu'elles accompagnent, et les flashes de couleurs qui découpent exactement ce que l'on est censé remarquer finissent de nous faire dire que Euphoria joue dans la cour des (très) grands. Zendaya nous a instantanément fait oublier Disney, et maintenant on va suivre sa filmo de très près. Son personnage si touchant et attristant nous a "mis à la Rue" avec elle, mais dans la saison 2 on n'a qu'une hâte : que les misses "Rules the world"...