J’avoue que j’y suis allé à reculons vers cette série. Pas de chance pour « HBO » : j’ai un pote qui a fait un séjour y’a pas longtemps du côté de Pripiat et du coup, Tchernobyl, j’en ai bouffé en long, en large et en travers. Je me suis même un peu documenté dans la foulée, c’est donc dire si, pour moi, cet appel à l’exotisme et à la curiosité que pouvait susciter cette série sur certain n’avait vraiment aucun effet sur moi. Mais bon, suite aux nombreux retours élogieux, je m’y suis quand même risqué, et je dois bien reconnaître que cette série à vraiment bien fonctionné sur moi. Pourtant elle en a des défauts cette « Chernobyl » et pas des moindres. La plus importante tient pour moi dans le ton général donné à cette intrigue. Outre le fait que tous les acteurs soient Américains et parlent anglais, leurs attitudes, leurs réactions, leurs dialogues sont ceux d’Américains. Pas ceux d’Ukrainiens vivant en 1986 dans l’URSS de Gorbatchev. Deux symptômes assez forts de cette tendance : d’abord l’interprétation de Con O’Neil très « famille Ewing à la tête de son empire du pétrole », ou bien encore cette scène de procès final que j’ai vraiment eu du mal à trouver crédible. Du coup j’ai davantage eu l’impression de regarder une série qui parlait de l’incident de Three Miles Island (toute proportion confondue) plutôt que de celui de Chernobyl. Enfin, l’autre gros souci tient pour moi à la création pure et simple du personnage d’Ulana Khomyuk. Le générique de fin nous dit qu’elle a été créée pour rendre hommage à tous ces scientifiques qui, dans l’ombre, ont aidé Valery Legassov. Sauf que… Eh bah c’est quand même une sacrée entorse à la réalité des événements qui est faite là ! Et ça pour moi ça pose un sérieux problème dans l’esprit de reconstitution et de pédagogie minutieuse dans lequel se lance cette série. Et d’autre part ça m’amène à questionner les vraies raisons de cet ajout. S’agitait-il vraiment de rendre hommage à des anonymes ou bien au contraire de féminiser un casting trop masculin pour une série post #metoo ? Pour le coup, ça jette un doute sur l’intégrité des scénaristes quant à leur volonté de retranscrire fidèlement les époques et les évènements. Et c’est dommage car ce sont là des imperfections évitables qui viennent nuire quelque-peu à la qualité de cette série qui – au-delà de ça – n’en demeure pas moins remarquable. J’avoue que, pour ma part, je tire particulièrement mon chapeau aux scénaristes. L’écriture est impeccable. Tous les choix tapent juste. D’abord le format : mini-série de cinq épisodes. Pas trop long. Parfait. Mais aussi la manière d’enchaîner les événements et les révélations. Je trouve notamment particulièrement judicieux de commencer avec l’explosion et de la vivre à hauteur d’humains – j’entends par là de civils. Certes on fait bien un tour à l’intérieur de la salle des commandes, mais on n’en sait pas trop. On voit juste le déni. On comprend que quelque-chose ne s’est pas passé comme prévu. Tout ça, les explications, on les garde pour la fin, et je trouve ça juste brillant. Et cela pour deux raisons. La première c’est parce que le fait de ne pas savoir nous met dans la situation d’urgence et d’ignorance des gens de l’époque. Le mystère n’en rend la menace que plus effrayante. La seconde, c’est parce que cela permet de doubler le cheminement de la série catastrophe d’une dimension propre au polar : mais au fond que s’est-il vraiment passé ? Qui est coupable de quoi ? Le dernier épisode parvient ainsi, comme un bon polar, à non seulement donner toutes les réponses mais aussi à nous faire revivre la tragédie du premier épisode, mais ce coup-ci au travers d’un œil plus avisé. Habile. Efficace. La boucle est bouclée. Tout est dit. J’adore. Mais si cette écriture fonctionne aussi bien c’est parce que d’autres choix judicieux ont su faire mouche. La mise en scène d’abord. Sobre. Pas de musique. Juste la force évocatrice des images. D’ailleurs, à ce sujet-là, chapeau. La variété des points de vue, au sol, hélicoptère, et même quelques paysages tournés au drone permettent de prendre conscience de l’impact spatial de la catastrophe. Pour le coup cette série parvient parfaitement à nous faire ressentir la puissance apocalyptique de cet événement. On y retrouve toutes les composantes d’un film où une super-puissance mobilise toutes ses ressources sans compter contre un ennemi face auquel on ne peut pas se permettre de perdre. Sur cet aspect là, pour moi, c’est une totale réussite. Et enfin, dernier point fort, c’est pour moi le casting. Même si je reste sur mon aigreur d’un jeu très américain, je trouve que certains personnages fonctionnent remarquablement bien. Ma palme va notamment à Paul Ritter qui incarne un merveilleux Dyatlov, et puis un petit prix spécial pour Stellen Skarsgard qui, au final, se révèle convaincant. Vous l’aurez donc compris, l’un dans l’autre, je suis conquis par cette courte et belle expérience que constitue ce « Chernobyl ». Et si je me montre aussi scrupuleux à son égard c’est aussi parce que sa proposition d’ensemble était tellement remarquable que j’en regrette d’autant plus qu’elle échappe à la perfection. En tout cas chapeau bas à HBO. Pour ceux qui se demandaient ce qu’ils allaient faire après « Game of Thrones », il me semble qu’on tient là un modèle encourageant pour la suite.