Uniforme noir, accent guttural, fanatisme criminel, absence totale d’empathie … La figure de l’officier nazi coche toutes les cases pour s’imposer comme archétype du « méchant » au cinéma. La prestation glaçante de Ralph Fiennes dans La liste de Schindler (1993) en est un bon exemple. Mais à cette conception relativement fidèle de la barbarie nazie, telle qu’exposée dans le chef-d’œuvre de Spielberg, viendra s’ajouter une autre lecture, celle des récits pulp.
Ici, le nazi devient une figure désincarnée de l’antagoniste, il sera tour à tour génie du mal, savant fou, maître occulte ou simple homme de main selon les besoins du scénario. Les aventuriers de l’arche perdue (1981), également de Spielberg, ou plus récemment Overlord (2018) de Julius Avery s’inscrivent totalement dans cette démarche. Dans les années 70, les suppôts du Reich seront même mis en scène dans un certain nombre de films érotico-horrifiques plus ou moins fauchés et nauséabonds, on parle alors de Nazisploitation (oui, l’esprit humain est étrange).
Mais revenons-en à Hunters. Produite par Amazon Video, la série de David Weil nous propose une version alternative de l’Histoire, où des dignitaires nazis infiltrent l’Amérique des 70’s. Un groupe de rescapés de la Shoah, mené par Al Pacino, tente de les éliminer. Difficile de ne pas voir une parenté avec le Inglorious Basterds (2009) de Quentin Tarantino. On retrouve ici une violence cartoonesque ainsi qu’une prise de distance avec la réalité des faits.
C’est ce dernier point qui a attiré sur Hunters des critiques sévères, notamment de la part du Mémorial d’Auschwitz, accusant la série d’ouvrir la porte au révisionnisme. En cause, une séquence d’une intense cruauté envers des prisonniers… qui n’a jamais eu lieu en réalité. Véritable affront ou simple excès de zèle ? Il ne nous appartient pas d’en juger.
Mais cette critique est révélatrice du principal défaut de la série : Hunters ne parvient pas à trouver son ton. On ne cesse de naviguer entre plaisir coupable jubilatoire et drame historique. A un massacre fantaisiste de SS succèdera un flashback brutalement réaliste et premier degré sur l’horreur des camps. Et l’on se trouve presque penaud d’avoir ri.
Alors faut-il jeter Hunters aux oubliettes ? Nein ! Car la série comporte son lot de belles trouvailles, comme son ambiance rétro réjouissante et ses personnages secondaires savoureux. Ses détracteurs lui reprocheront de copier Tarantino sans l’égaler, ce qui est vrai. Mais en près de deux heures de métrage, le célèbre cinéaste évitera toute référence à l’univers concentrationnaire, ce qui est bien commode … En ce sens, on ne pourra pas reprocher à Hunters de manquer de courage dans sa démarche, qu’on la cautionne ou non.
En définitive, la série a le mérite de nous questionner sur ce qu’il est acceptable de montrer quand on traite d’un sujet si douloureux. Ce qui est certain, c’est qu’un divertissement tel que Hunters, aussi qualitatif soit-il, ne peut s’assimiler sans un minimum de contextualisation. Car si l’on peut rire de tout, encore faut-il le faire en conséquence de cause.