LFE est une bonne série, qu'on regarde avec plaisir et envie de connaître la suite. Le mystère qui sous-tend les motivations de certains personnages est distillé avec maitrise au fil des épisodes. La façade de chaque famille et surtout de celle des Richardson se fissure un peu plus à mesure que l'histoire avance. Chacun des rôles a une épaisseur et la fin est flamboyante... C'est aussi une série sur la société américaine mais qui en dit peut-être plus long sur l'Amérique d'aujourd'hui et son obsession de la race, que sur celle des années 90...
Mais, car il y a un mais, j'ai deux problèmes avec LFE et deux problèmes de taille qui ne me permettent pas de considérer que c'est une série parfaitement réussie.
Le premier est le talent d'actrice (ou son absence) de Kerry Washington. Je n'avais déjà pas pu regarder Scandal, mais à l'époque son jeu ne m'avait pas à ce point gênée. Ici, il est pour moi un obstacle pour parvenir à ressentir de la compassion voire de l'intérêt pour le personnage de Mia Warren. Mia n'est pas sympathique, c'est une femme égoïste et imbue de sa propre supériorité (celle de son statut d'artiste mais aussi celle qui s'exprime dans les jugements péremptoires et permanents portés sur les autres et leurs motivations, jugements qui confinent au racisme - mais j'oubliais, les personnes de couleur ont droits aux jugements à l'emporte-pièce sur le privilège blanc). Toutefois le spectateur pourrait davantage comprendre ses choix et ses réactions si Kerry Washington n'arborait pas, au choix, un rictus méprisant ou une mimique au bord des larmes à la moindre émotion. Son jeu est très limité et finit par devenir insupportable. Par contraste Reese Witherspoon campe une Elena complexe, à la fois touchante et agaçante, mais jamais unidimensionnelle. Elle veut bien faire, selon ses propres termes, même si elle finit par être à l'origine d'un désastre. Elle a certainement des préjugés, et tente de les surmonter, maladroitement certes mais elle essaie malgré tout. In fine, je me suis attachée à elle davantage qu'à Mia et regrette que le scénario (et le roman)
choisisse d'en faire le personnage le plus puni par le drame.
Or, je ne pense pas que c'était là l'objectif de la réalisation. Donc, c'est raté...
Le second est la vision américaine des rapports entre communautés, qui surgit et ressurgit dans trop d'interactions de ce petit monde de la banlieue aisée de Cleveland. Cela finit par devenir artificiel, donneur de leçons, voire franchement ridicule (les arguments de l'avocat de Bebe: les parents adoptifs ne mettraient pas assez les origines chinoises de leur fille adoptive en avant dans leur éducation!?! Le bébé à un an, pour l'amour du ciel, et s'agit-il de lui rappeler à chaque instant qu'elle n'est pas comme les autres??! Les accusations seraient risibles si elles n'étaient pas le reflet de la société américaine aujourd'hui, hélas). Il y a sans doute des préjugés chez les Richardson, mais il y en a tout autant chez Mia. En revanche il y a également des questions sociales sans parler d'incompatibilités inter-personnelles tout bêtement : les deux personnages principaux étant à l'opposé en termes de valeurs sur ce qui constitue une vie réussie. Ces aspects-là sont bien moins évidents dans le traitement de l'histoire.
Pour conclure, la question centrale de la série, à savoir qui mérite le plus d'élever un enfant aurait bénéficié d'un traitement moins partisan et politiquement orienté.