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    "Tout est illuminé" : 3 questions à Liev Schreiber

    A l'occasion de la sortie de "Tout est illuminé", AlloCiné a rencontré l'acteur Liev Schreiber, qui fait ses débuts à la réalisation avec ce beau drame sur la mémoire.

    AlloCiné : la genèse de "Tout est illuminé" est particulière. Elle a beaucoup à voir avec votre propre histoire...

    Liev Schreiber : Lorsque mon grand-père est décédé, j'ai été très affecté. J'étais très proche de lui, il était comme mon père. A partir de ce moment, j'ai beaucoup pensé à lui et j'ai essayé de savoir qui il était vraiment. Je pense que les Etats-Unis sont un pays de petits-enfants. Personne n'est vraiment américain. Tout les Américains viennent d'ailleurs. Mais aux Etats-Unis, la mentalité, c'est d'oublier d'où tu viens. C'est une partie de cette mentalité de s'adapter, de rentrer dans le moule de la société. Tu te dis Américain, avec une histoire, alors que ce n'est rien, c'est un pays nouveau, sans histoire. Donc, quand mon grand-père s'en est allé, je me suis senti très concerné par le fait de savoir qui il était. J'ai alors commencé à écrire un scénario de comedie autour de l'Ukraine, son pays d'origine.

    Pendant l'écriture, je suis tombé sur une nouvelle intitulée The Very rigid search, qui était très proche de l'histoire de mon grand-père et qui comportait des éléments similaires à l'histoire que j'écrivais. J'ai contacté son auteur, Jonathan Safran Foer. Nous avons plaisanté sur nos grands-père respectifs, et avons réalisé qu'ils avaient tous deux le même sens de l'humour. Nous avions beaucoup de choses en commun et il m'a donné l'autorisation d'adapter sa nouvelle. La réalisation de Tout est illuminé a donc modifié quelque peu mon désir originel de comédie. Le film est inspiré de la nouvelle de Jonathan, une nouvelle qui se trouve par miracle proche de ma propre expérience avec mon grand-père. Cela me donne l'occasion de lui rendre hommage, c'est très important pour moi. Je suis très chanceux d'avoir réalisé ce film.

    Comment s'est déroulée votre rencontre avec Jonathan Safran Foer ?

    En fait, je pensais qu'il était très âgé ! Je voyais un octogénaire vouté, fragile, peu bavard, renfermé, qui parlerait par attaché de presse interposé. Je ne l'avais jamais rencontré auparavant, donc je m'étais imaginé quelqu'un. Ses qualités d'écritures me laissaient vraiment présager de rencontrer un homme très âgé. Lorsque je suis allé le rencontrer dans ce bar new-yorkais où nous avions fixé un rendez-vous par écrit, je suis tombé sur ce gamin, avec ces lunettes, en train de me regarder. Sur le moment, sincèrement, j'ai cru que c'était un fan de la saga Scream (saga dans laquelle le néo-réalisateur s'est illustré, ndlr) ! Alors, j'ai regardé ailleurs pour trouver mon scénariste. Mais il a continué à me regarder et j'ai réalisé que c'était bien Jonathan. C'était assez surréaliste comme situation, et nous en avons bien rigolé après. Cette rencontre m'a en tout cas conforté dans le fait que j'avais trouvé la personne idéale qui me permettrait de réaliser mon premier film. En plus, il a une ressemblance étonnante avec Elijah Wood, l'acteur principal de Tout est illuminé.

    Durant une grande partie du film, on ne peut s'empêcher de penser au cinéma d'Emir Kusturica. At-il été une influence ?

    Bien sûr, je suis un grand admirateur d'Emir Kusturica. J'adore tous ces films. Je pense que l'une des choses qu'il fait le mieux, c'est de mettre en images la passion et la folie inhérentes aux pays d'Europe de l'Est. Il met en scène cela de manière sincère, viscérale et surtout vraie, ça me touche vraiment. J'ai essayé de poursuivre dans cette voie, de faire vivre cet hommage à l'Europe de l'Est, un hommage à la qualité culturelle de cette région du monde. Il y a à la fois beaucoup de passion, de chaos, de folie et d'humour en Europe de l'Est. Pour moi, c'est une mentalité de survie, ce sont des gens qui ont connu des choses horribles. Ils ont le choix dans la vie. Lorsqu'ils sont confrontés à la misère, ils peuvent choisir de s'y complaire. Ou alors ils peuvent choisir de trouver la lumière, l'humour, le bonheur dans la misère. Je suis fasciné par les habitants d'Europe de l'Est qui parviennent à trouver du bonheur et de la joie de vivre dans des moments difficiles. Et je trouve que Kusturica est l'un des rares à pouvoir trouver la lumière dans l'obscurité. J'ai modestement tenté, à travers Tout est illuminé, de m'approcher de cette voie.

    Propos recueillis par Clément Cuyer

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