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    Dans le panier de la Rédac' : "Alan Wake"

    Plutôt que de vous proposer par intervalles un panier de conseils d'achats de la Rédac' sous la forme parfois bourrative de dossiers, l'idée de vous livrer par à coups des coups de coeur a fait son chemin. Au menu du jour : angoisse de la plage blanche et santé mentale précaire avec "Alan Wake" !

    Dire qu’Alan Wake était attendu depuis des années relève de l’euphémisme. Le dernier bébé du studio Remedy, géniteur de Max Payne, a connu un développement dans la douleur. Au point que l’on s’est même demandé s’il n’allait pas finir par occuper une place de choix au sein de ces Vaporwares, aux côtés d’un certain Duke Nukem Forever. Présenté pour la première fois à l’E3 en 2005, Alan Wake a subi de multiples et profonds changements, finissant même par disparaître un temps des stands de présentation. Jusqu’à ce Microsoft, éditeur du jeu, ne siffle la fin de la récréation et cale sa sortie à mai 2010.

    Balayons tout de suite un point qui fâche vraiment. Longtemps annoncé sur PC, Microsoft a finalement annoncé dans la dernière ligne droite que le titre serait une exclusivité X-box 360, torpillant de facto l’adaptation sur PC. Si cette politique d’exclusivité peut tout à fait se comprendre, l’argument fumeux mis en avant par Microsoft pour justifier son choix relève quant à lui de l’impardonnable : l’expérience de jeu offerte par Alan Wake ne pouvait se concevoir que dans le canapé de son salon. Les joueurs PC confortablement équipés en seront donc pour leurs frais…Il ne reste plus qu’à croiser les doigts pour que Microsoft opère plus tard un rétropédalage.

    Chronique d'une disparition annoncée

    Alan Wake. Auteur de thriller à succès, Wake a loué avec sa femme Alice un chalet isolé près de Bright Falls, une charmante bourgade nichée au cœur d’un massif montagneux, au cœur des Etats-Unis. Cette escapade est l’occasion pour lui de se rapprocher de sa femme qui le comprend de moins en moins, et de surmonter sa terrible angoisse de la page blanche survenue voilà deux ans. Au point de semer le trouble dans sa carrière et de mettre en péril son couple. Mais Bright Falls cache un sombre secret, et le chalet au bord de lac n’est pas le havre de paix que l’écrivain est venu chercher. Lorsqu’Alice disparaît, Wake se lance à sa recherche, et découvre les pages d’un livre qu’il ne se souvient pas avoir écrit. Alors qu’il s’enfonce toujours plus profondément dans les bois au prix d’une santé mentale de plus en plus incertaine, les pages de ce livre prennent vie. Les ténèbres s’emparent d’Alan ; le chalet devient l’antichambre de l’enfer, la majestueuse forêt devient le terrain de chasse de forces maléfiques. Le cauchemar peut dès lors commencer…

    L'appel de la forêt

    Le gameplay du jeu est finalement assez basique. Une lampe torche, une poignée d’armes, des ennemis possédés par les ténèbres traquant Wake comme du gibier. Le héro peut se débarrasser de ses poursuivants en braquant la lumière sur eux pour dissiper les ténèbres, puis en les achevant avec ses armes. C’est tout ? Ce n’est pas un peu court ? Non. Car le titre de Remedy distille probablement comme nul autre une ambiance hors du commun, fruit d’un Game Design vraiment extraordinaire. Tout au long des six chapitres découpant l’intrigue, un lourd sentiment d’oppression envahit le joueur, tandis que la forêt prend littéralement vie et que l’apocalypse se déchaîne autour de Wake. On se surprend même souvent à courir le plus vite possible vers la lumière, ou la chercher parfois frénétiquement, tandis que les hordes de bûcherons possédés nous poursuivent, une hache dans les mains. Et quand ce ne sont pas des humains possédés, ce sont des objets, telle cette moissonneuse batteuse poursuivant Alan, dont les rouleaux à l'avant semblent davantage être de monstrueuses mâchoires prêtes à avaler le héro. Stress garanti.

    David, Stephen, John et les autres

    L’une des grandes forces du jeu est de brasser avec une habileté confondante les influences et les hommages, notamment à l’univers de Stephen King. Mais là où certains concurrents le font avec la grâce d’un pachyderme dans un magasin de porcelaine, Alan Wake le fait toujours de manière subtile, parfois drôle, toujours bienvenue. Tout comme Stephen King, qui l’avait d’ailleurs expliqué dans son ouvrage «Anatomie de l’horreur», l’univers cauchemardesque et l’horreur naît ici dans un environnement familier, tranquille. En ce sens, Bright Falls est beaucoup influencé par le cadre où se déroule souvent les intrigues des œuvres de Stephen King (qui rappelons-le habite à Bangor, dans le Maine, une petite ville donnant sur la mer). On songe ainsi à La Tempête du siècle, ou encore, bien que l’histoire n’ait rien à avoir, à la petite ville de Dolores Claiborne. Mais il y a plus. On songe aussi à une œuvre géniale de l’écrivain comme «La part des ténèbres», dans laquelle un écrivain à succès décidait de mettre fin au personnage central de son œuvre, avant que ce dernier ne prenne vie et commence à semer la terreur pour de vrai. La frontière ténue entre la fiction et la réalité est abolie, brouillant les repères des lecteurs et des joueurs.

    Structuré comme un Serial, avec ses cliffhangers à chaque fin d’épisodes, Alan Wake plonge aussi ouvertement dans la série culte Twin Peaks. Tout comme dans la série mythique de David Lynch, Cauldron Lake est le pendant vidéoludique de la forêt de Twin Peaks, là où se terre les forces maléfiques qui viendront hanter puis tuer Sarah Palmer. Tout est là, des personnages secondaires aussi atypiques qu’inquiétants, du shérif local faisant aussi office de concierge pour l’hôtel du coin, sans oublier l'unique café, lieu de convergence où se retrouvent les habitués. Même le personnage (culte) de «la femme à la bûche» dans la série trouve son écho dans le jeu, en l’incarnation de la «femme à la lumière».

    Il faut rendre également justice à l’influence de l’œuvre de John Carpenter. Bright Falls pourrait tout aussi bien s’inspirer du cadre de la petite station où se déroule l’histoire de Fog, tandis que les victimes du naufrage revenant se venger pourraient quant à elles être incarnées par les forces démoniaques cherchant à tuer Wake. Peut-être plus directement, on peut aussi songer au formidable L' Antre de la folie, dans lequel un détective se lançait à la recherche de Sutter Cane, un écrivain disparu, plongé dans les méandres de la folie. En l’occurrence l'univers effroyable de son œuvre. On pourrait aussi évoquer le clin d'oeil fait à Stanley Kubrick pour Shining, dans la séquence terriblement stressante du labyrinthe de la clinique tenue par le douteux Dr. Emil Hartman. On pourrait, on pourrait…La place manque pour évoquer toutes les brillantes influences du jeu.

    Porté par une intrigue propre à vous vriller les neuronnes et poussant jusqu'au vertige ses multiples interprétations (il faut voir les forums de discussions où chacun y va de son interprétation sur la fin du jeu !), brillamment réalisé, Alan Wake est assurément un grand jeu. Reste de nombreuses questions restées volontairement en suspend : plusieurs DLC, dont le premier prévu dès cet été, auront la tâche d'éclairer la lanterne des joueurs en quête de réponses. Nous incitant une nouvelle fois à plonger pour notre plus grand bonheur dans les marais nauséeux du subconscient d'Alan Wake.

    DATE DE SORTIE : 14 Mai 2010

    GENRE : Action / Aventure

    PLATEFORMES : Xbox 360

    PEGI : 16+

    DÉVELOPPEUR : Remedy

    Olivier Pallaruelo

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